L'Instance Nationale Indépendante de Reconnaissance et de Réparation (INIRR) pour les personnes victimes de violences sexuelles au sein de l’Église a présenté son rapport pour l'année 2023 le 14 mars dernier. Comment se passent les indemnisations de victimes suite au rapport Sauvé ? Qui sont les personnes qui se manifestent et comment sont-elles accompagnées ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Véronique Alzieu et Melchior Gormand.
Fin 2023, l'INIRR avait été saisie par 1.351 victimes (215 personnes sont à ajouter depuis janvier 2024). Depuis 2022, 571 victimes ont pu être indemnisées. Mais cela ne représente qu’une fraction de l'intégralité des victimes d’abus en France. Beaucoup n'osent toujours pas prendre la parole et restent difficiles à comptabiliser et donc à "réparer".
Lorraine Angeneau, chargée d’expertise en psychotraumatisme intervenant à l’INIRR, pense qu’il s’agit principalement d’un manque de confiance quant à l’aboutissement des démarches : "Nous tentons de créer une confiance auprès des victimes pour les encourager à parler. Nous oublions trop souvent la portée traumatique et destructrice de cet événement pour des personnes gens ayant été trahies par des adultes et encouragés à se taire".
Cette étape a été salutaire.
Geneviève a entrepris une démarche auprès de l’INIRR, et elle reconnait que le fait de revenir sur de tels événements peut apparaître comme une épreuve supplémentaire. "Mon accompagnatrice de l'INIRR m'avait dit que ce serait difficile, et lorsque j'ai vu mon histoire mise par écrit pour le dossier, effectivement, cela m’a fait mal. Je voyais ce qui m’était arrivé, et je réalisais que la personne dont il était question, c'était vraiment moi. Cette étape a été salutaire", raconte-t-elle.
Malgré les difficultés rencontrées, l’INIRR continuer d'encourager les victimes à se manifester. Marie Derain de Vaucresson, présidente de l'instance, est consciente que les traumatismes ne sont pas à prendre à la légère et insiste sur l’aide que peut apporter l’INIRR. "Les levées d’amnésie sont des périodes redoutables pour les victimes. Celles-ci ont peur de ne pas être crues, entendues ou même d’aggraver les choses. Cependant, nos équipes sont à leur disposition pour permettre d’éviter tout cela", souligne-t-elle.
Nous ne prétendons pas réparer les personnes qui ont été blessées.
Bien entendu, l’accompagnement se veut principalement psychologique. Cependant, l’INIRR propose également un soutien dans les démarches administratives et légales pour obtenir justice contre l'agresseur. Pour Marie Derain de Vaucresson, l’aide apportée par l'INIRR reste en deçà de ce qu’elle aimerait offrir. Malgré tout, cela constitue une aide dont de nombreuses victimes ont désespérément besoin. "Nous ne prétendons pas réparer les personnes qui ont été blessées. Cependant, nous essayons de les aider et de les accompagner dans un processus de restauration", explique la présidente.
En denier lieu et au terme des démarches, une indemnité peut être versée aux victimes qui en ont fait la demande. Une réparation pas toujours bien comprise, en particulier de la part de catholiques pratiquants pour qui il existe des moyens de guérison bien plus efficaces. "Je me demande ce que l’argent vient faire là-dedans", s'interroge Marysia auditrice de RCF. Il existe d’autres formes de compensations, comme la prière et le pardon, qui conviendraient bien mieux. À l'âge de 15 ans, j'ai moi-même été victime de gestes déplacés de la part d'un prêtre. Mais je lui ai pardonné parce que si je ne l'avais pas fait, c'était m'infliger une double peine", poursuit l'auditrice.
L'argent est le signe d'une reconnaissance.
Lorraine Angeneau considère cependant que l’argent est probablement la forme de compensation la plus pertinente pour de nombreuses victimes. Lorsqu’on a été abusé par un homme d’Église, c'est le sens du sacré qui est atteint et en appeler au sacré dans le cadre d'une démarche restaurative peut ajouter une blessure à celles que porte déjà la victime. "Cela peut paraître étrange, précise Marie Derain de Vaucresson, mais l’argent est le signe d'une reconnaissance. C’est aux victimes d’y donner un sens et de l'utiliser pour se reconstruire. Je pense à une personne âgée qui a employé cet argent pour planter un verger dans lequel ses petits-enfants vont cueillir des fruits symboles de vie et de renouveau !".
Écoutez la seconde partie de l'émission Je pense donc j'agis :
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