Je voudrais ce matin revenir sur un événement de la semaine passée. Événement qui eut un vrai retentissement, et suscité une vive émotion, y compris en France : je veux parler du décès de la reine d’Angleterre Elizabeth II.
Ce n’est pas de sa longévité, ni de ses beaux chapeaux dont je voudrais parler ! Je voudrais revenir sur des médias ont à juste titre évoqués : sa dignité, sa foi, son sens du devoir.
Elizabeth II pourrait incarner une forme d’idéal. Une jeune femme de 26 ans accédant au trône et tenant ferme malgré les vicissitudes de l’histoire. Oui, la reine Elisabeth II sut "tenir sa place" comme on dit. Oui, la monarque du Commonwealth sut être un roc et incarner une forme de repère. Oui, elle sut rassurer bien des Britanniques.
Sa foi pieuse et personnelle a été relevée par beaucoup : elle disait ses prières, lisait la Bible, allait aux offices et s’impliqua dans l’œcuménisme... Cela est même relevé chez les papes qu’elle croisa à plusieurs reprises. Jean Paul II disait : "Vous avez régné avec une dignité et un sens du devoir qui ont édifié des millions de gens à travers le monde." Et Benoît XVI de rappeler "son combat face à la tyrannie du nazisme cherchant à éliminer Dieu de la société".
Elizabeth II chercha certainement à mettre sa foi au cœur de sa mission sans pour autant chercher à plaire. "Toute ma vie, qu’elle soit longue ou courte, sera dévouée à votre service", dit-elle lors de son couronnement. Elle sut rester elle-même. Sans chercher à être dans le vent, elle réussit à se faire respecter auprès des grands de ce monde, dans un XXème siècle traversé par bien des crises institutionnelles et des conflits.
Mais à l’heure où les défis écologiques deviennent prioritaires, et la démocratie le fondement de nos sociétés, comment appréhender cette figure d’Elizabeth II ? C’est vrai que pour un chrétien - et ce depuis le jour de l’Ascension - la royauté laisse un trône vide. Car l’Évangile est d’abord une bonne nouvelle aux plus fragiles. C’est un appel à la liberté. Il prône de sortir des servitudes et des idolâtries, y compris politiques, voir monarchiques, au sein desquelles nous risquons tous de nous enfermer, notamment quand ça va mal. Nous pourrions être un peu comme les 11 apôtres. Ils demandent au Christ quand sa royauté sera rétablie. Et nous - comme eux - en cherchant à nous rassurer avec des rois, des reines, des Elizabeth II providentiels capable de faire face, avec leur foi et leur sens du devoir aux grands enjeux écologiques d’aujourd’hui et demain.
Elizabeth II peut nous inspirer au sens d’une fidélité totale au service de son peuple avec foi et dévouement. Mais en tant que telle, la figure de la reine, le modèle de la monarchie ne peut pas être notre modèle. Le christianisme vise la démocratie. Si "le trône de David est vide c’est parce que le Christ a refusé de le prendre, rappelle le théologien et économiste Gaël Giraud. Et ceci, pour tous nous obliger à organiser démocratiquement la construction du lien social. Fondamentalement, l’Évangile invite à protéger la démocratie, maintenir la séparation des pouvoirs et œuvrer ensemble pour le bien commun.
Aujourd’hui, nous fêtons la "croix glorieuse". Cette fête nous rappelle ceci : notre seul modèle, notre seul roi, c’est le Christ parce qu’il est "serviteur passé par la croix pour entrer en gloire". Cela semble paradoxal mais c’est vrai : pour sauver notre terre, nul besoin de roi ou de reine. Il nous faut apprendre à faire comme Lui : se mettre collectivement au service du bien commun, au service de la création, si belle et si vulnérable.
Le Père Xavier de Verchère est prêtre de la congrégation des Salésiens de Don Bosco et aumônier général des Scouts et guides de France
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