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Anaïs Quemener, aide-soignante et championne de France du marathon

RCF, le 15 avril 2024 - Modifié le 20 avril 2024
VisagesAnaïs Quemener, aide-soignante et championne de France du marathon

Elle est aide-soignante la nuit et sportive de haut niveau le jour. Anaïs Quemener a traversé l'épreuve de la maladie sans rien lâcher de sa passion pour la course à pied. En 2015, elle a appris qu'elle avait un cancer du sein très agressif. L'année suivante, elle a été sacrée championne de France de marathon. D'où lui viennent son courage et un tel appétit de vie ?

"On ne peut pas faire de performance si on n’est pas passionné ou si on ne prend pas plaisir dans ce qu’on fait." Anaïs Quemener est deux fois championne de France du marathon ©Margaux Le Map"On ne peut pas faire de performance si on n’est pas passionné ou si on ne prend pas plaisir dans ce qu’on fait." Anaïs Quemener est deux fois championne de France du marathon ©Margaux Le Map

 

"Se dépasser quand tout va bien, se surpasser quand tout va mal." C’est le mantra d’Anaïs Quemener, 33 ans, marathonienne, fille et petite-fille de grands sportifs. À 24 ans, elle a appris qu’elle était atteinte d’un cancer du sein agressif. Malgré de lourds traitements, elle est devenue l’année suivante championne de France de marathon. Titre qu’elle a décroché une deuxième fois en 2022. Dans son livre, "Tout ce que je voulais, c’était courir" (éd. Flammarion, 2024), elle raconte sa traversée de la maladie et sa passion pour le sport... Un témoignage bouleversant d'énergie et d'appétit de vie.

Père et fille

Dans la vie d'Anaïs Quemener, il y a son père. Une belle complicité entre deux sportifs. Jean-Yves Quemener a été plusieurs fois champion de France militaire avec les Pompiers de Paris. Il est aujourd’hui son mentor et son coach. "Très proches et complices", père et fille se sont rapprochés après le divorce de celui-ci, quand Anaïs avait neuf ans. Elle avait déjà participé à sa première compétition sportive, à l’âge de sept ans. Mais le sport dans la famille Quemener, ce n’est pas que pour la performance. "On ne peut pas faire de performance si on n’est pas passionné ou si on ne prend pas plaisir dans ce qu’on fait."

Et la course n’est pas non plus vue comme un sport individuel. Anaïs Quemener fait partie d’un club sportif depuis qu’elle a neuf ans. Certes, quand on court, "on court contre soi-même", admet-elle, mais "quand on est en club, en tout cas dans mon cas, on se rend compte que c’est très collectif, la performance des uns permet de faire progresser les autres." Aujourd’hui ils sont 115 dans le club que son père a co-fondé, La Meute running, basé à Tremblay-en-France, en Seine-Saint-Denis.

 

Je suis passionnée par mon sport mais je suis aussi passionnée par mon travail

 

Aide-soignante de nuit, sportive de haut niveau le jour

Un département de région parisienne qui n’a pas toujours bonne réputation. On réduit souvent le "9.3" à l’insécurité dans les banlieues. Anaïs Quemener nous le présente sous un tout autre jour. Ancrée dans son territoire, la jeune femme aime s’entraîner dans "son" parc, le parc de la Poudrerie, ou le long canal de l’Ourcq. La Seine-Saint-Denis, c’est aussi là qu’elle travaille, en tant qu’aide-soignante à l’hôpital Jean-Verdier de Bondy.

On dit l’hôpital en crise et les conditions de travail particulièrement difficiles pour les soignants en France. Cela n’empêche pas Anaïs Quemener d’aimer son métier. "Je suis passionnée par mon sport mais je suis aussi passionnée par mon travail, dit-elle, je n’ai pas l’impression de faire quelque chose d’exceptionnel." Ce qu’elle aime, c’est "pouvoir aider", c’est "le contact avec les gens". Et apprendre dans les différents services où elle exerce - maternité, bloc opératoire, urgences… Son métier qu'elle exerce de nuit, Anaïs Quemener en parle avec des étoiles dans les yeux, comme la course à pied.

Depuis janvier 2024, en tant qu’athlète de haut niveau, Anaïs Quemener bénéficie d’un aménagement de son temps de travail. "Une belle reconnaissance pour l’athlète que je suis en plus d’aide-soignante", se réjouit-elle. La course, pour Anaïs Quemener la vit comme "une évasion"… Elle dit que chaque marathon est "un jour de fête", "une célébration". "C’est ce moment où on s’est bien préparé pendant deux à trois mois, ce jour-là on n’a plus qu’à s’envoler !" L’athlète se fait belle, se maquille, met un ruban dans les cheveux car "c’est important de mettre une petite touche féminine pour aller courir".

 

Un cancer agressif à 24 ans

La féminité, c'est aussi ce qui en prend un coup quand on a un cancer du sein. "À 24 ans, j’étais tout juste une jeune femme, je n’avais pas encore pleinement conscience de ma féminité. J’étais une jeune adulte, je voulais juste faire du sport." Anaïs Quemener n’a pas vécu aussi douloureusement qu’on pourrait s’y attendre, la perte de ses cheveux après sa chimiothérapie - c’est son père qui les a coupés, en larmes - "Ça a été plus compliqué pour lui que pour moi !" dit-elle. L'un des moments particulièrement poignants de son livre.

C'est sans doute son "côté soignant" qui lui a permis de considérer avec recul que ses traitements et opérations étaient d'abord un moyen d'enlever "la partie malade". "Quelque part ça me rassurait", confie-t-elle. Après son cancer, la championne a renoncé à la reconstruction mammaire. Et après cinq opérations en quatre ans, la dernière en 2019, et autant de rejets et d’infections, "j’en suis venue au point de me dire que je préfère tout retirer, que je vivrais mieux sans mes prothèses, raconte-t-elle, j’ai décidé de ne plus du tout avoir de seins."

Quand en 2015, on lui a décelé son cancer, Anaïs Quemener n’a pas vraiment réalisé ce qu’on lui annonçait. Elle a même demandé à son médecin de repousser de trois mois le traitement pour aller courir le championnat de France à Rennes. "Quand on a 24 ans et qu’on se sent bien, on ne pense pas du tout à un cancer… Je ne me rendais pas encore compte de la gravité de la maladie que j’avais." Un cancer agressif, de type 3, qui a permis par la suite de découvrir chez la jeune femme une prédisposition génétique, favorisant l’apparition de cellules cancéreuses.

"Voilà Docteur, on a gagné !"

Malgré la dureté des traitements, Anaïs Quemener a continué à s’entraîner. Les jours de chimio, il a bien fallu diminuer le rythme mais elle n’a jamais arrêté la course. "J’ai eu une aplasie, je n’avais plus de défenses immunitaires, je ne pouvais plus travailler à l’hôpital, donc en fait je n’avais aucune activité à part la course à pied." Et la jeune femme considère même que la course à pied l’a "sauvée". "Finalement j’avais toujours un lien social, j’étais toujours avec du monde dehors à prendre l’air, à voir des amis."

Cela peut sembler difficile à croire, mais en 2016, l’année qui a suivi l’annonce de son cancer, Anaïs Quemener est devenue championne de France de marathon. Il lui a suffi de six mois après la fin de son traitement pour reprendre un entraînement intensif. "Je me sentais chaque semaine de mieux en mieux… Petit à petit j’ai réussi à retrouver mon niveau d’avant." Si bien qu’un jour, elle a pris rendez-vous avec son médecin, le Docteur Denarnaud. "Un rendez-vous classique, la veille pour le lendemain." Elle s'y rend la médaille au cou, cachée sous son manteau. "En arrivant j’ai ouvert mon manteau, j’ai dit : Voilà Docteur, on a gagné !"

"On" parce que "c’était un super trio" avec son père et son médecin. Un trio gagnant contre la maladie. Si elle a un conseil à donner à des personnes malades c’est de "maintenir le lien social… même une heure dans la journée où on oublie la maladie, s’entourer de personnes positives bienveillantes qui nous apportent que du bien !" Et aussi "faire quelque chose qui nous passionne".

 

Aujourd’hui, Anaïs Quemener est marraine de l’association Casiopeea, créée par une championne d’ultra-trail, qui accompagne les femmes malades par le sport. Certes, elle se dit qu’elle a "une épée de Damoclès" au-dessus de la tête. "Mais ce n’est pas très grave parce que j’ai réussi à vaincre [le cancer] une fois, que je sais que je suis bien accompagnée… S’il le faut je repasserai par là mais ça ira !" La jeune femme a un objectif : la sélection aux Jeux olympiques de 2028. "Tant que je le garde en vue, c’est que tout va bien !"

 

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