Comment un bébé obtient-il une identité juridique ? Qu’est-ce qu’on appelle "Autorité parentale" ? Comment assurer l’avenir d’un enfant en cas de décès brutal de ses parents ? Peut-on déshériter sa progéniture ? Autant de questions dont on n’a pas toujours la réponse. Des repères avec Me Pierre Lemée, notaire et rédacteur -en -chef de « Conseils des Notaires »
Quand débute la personnalité juridique d’un enfant ? "L’enfant existe juridiquement lorsqu’il nait." explique Me Lemée. "On peut lui reconnaitre notamment des droits d’héritage, si l’un de ses parents venait à décéder." Par contre, il n'a aucun droit s’il meurt avant, in utéro. Mais depuis 2021, la loi accorde aux parents d’inscrire son nom et son prénom dans le livret de famille. Une mesure qui n’a aucun effet juridique, mais qui est une façon de perpétuer son souvenir.
Comment donner une existence légale au bébé ? Il y a d’abord la déclaration de naissance. Obligatoire, elle doit être effectuée dans les 5 jours suivants l’accouchement, à la mairie du lieu de la naissance. Une démarche à distinguer de la reconnaissance. Celle-ci établit le lien de filiation avec l’enfant. Elle est automatique pour un couple marié. Si ce n’est pas le cas, le père non marié devra alors l'effectuer volontairement "Il n’y a pas de délai pour le faire. Le plus tôt sera le mieux." conseille Me Lemée, "On a parfois des reconnaissances d’enfant qu’on découvre par testament, si bien qu’on ne sait qu’après le décès du père qu’il était l’auteur de l’enfant." Une surprise qui peut faire l'effet d'une bombe !
Quelles sont les obligations légales envers ses enfants ? Droit d’être soigné, protégé, d’avoir une nourriture saine, une scolarité, mais aussi une famille ou de jouer et d’avoir des loisirs, ce sont quelques-uns des articles parmi les cinquante-quatre énoncés dans la Convention internationale des droits de l’Enfant de 1989, ratifiée par la France et qui se résume dans le code civil par "agir dans l’intérêt de l’enfant." résume le notaire. Ce qui comprend la gestion du patrimoine d’un mineur. "Les parents peuvent jouir de ces revenus jusqu’à ses 16 ans, mais ne peuvent toucher au capital qui sera remis à la majorité de l’enfant." Bon à rappeler quand des fortunes peuvent s’établir sur des enfants stars de la chanson ou des réseaux sociaux !
Mais qui peut exercer des droits sur ses enfants ? C’est là qu' intervient la notion d’Autorité parentale, cet ensemble de droits et de devoirs qu’ont les parents jusqu’à la majorité de l’enfant. Celle-ci s’exerce en commun et à égalité. Y compris en cas de séparation du couple. "L’un des ex-conjoints pourra ainsi s’opposer à la décision de l’autre s’il estime qu’elle n’est pas dans l’intérêt de l’enfant." explique Me Lemée. Ceci pour des choix importants comme la scolarité, la religion ou un déménagement par exemple.
Une autorité qui doit s’exercer sans violences physiques ou psychologiques, au terme de la loi toute récente de juillet 2019. Reste le cas des beaux-parents, qui vivent au quotidien avec l’enfant, mais qui n’ont toujours aucun droit sur eux, hors délégation expressément autorisée par l’autre parent et la Justice.
Reste que les parents ne sont pas éternels. Un accident, une maladie peuvent malheureusement survenir. Comment alors assurer l’avenir de ses enfants ? Sur le plan financier, "une assurance-vie en leur nom peut être une bonne piste." estime Me Lemée, "en indiquant comme bénéficiaires les enfants nés ou à naître." Concernant le choix de la personne qui s’en occupera, "le mieux est de le faire d’un commun accord par testament, plutôt que par un conseil des familles si rien n’a été prévu, ce qui peut être source de tension et de déchirement."
Pour un enfant handicapé, on peut aussi prévoir un mandat de protection future pour autrui et le privilégier dans la succession dans ce qu’on appelle « la quotité disponible", soit la part du patrimoine restant après celle dévolue à chaque enfant.
Peut-on d’ailleurs déshériter ses enfants ? Non. La loi française l’interdit. "Il y a toujours une réserve héréditaire obligatoire qui revient à chaque enfant à la succession." rappelle Me Lemée Mais rien n’empêche les parents de dilapider leur patrimoine avant décès ou de mettre leurs biens en viager, ce qui est une manière de ne rien leur laisser !
Attention aussi de ne pas privilégier un enfant en secret par rapport aux autres. "Un recel successoral » qui se traduira par la perte des droits des enfants avantagés sur les biens cachés." prévient Me Lemée. A noter enfin que si les parents ont des devoirs vis- à vie de leurs enfants, ces derniers en ont aussi pour leurs parents. Obligations d’entretien, alimentaires et aussi de régler les frais d’obsèques si la succession est déficitaire.
En conclusion, mieux vaut prévoir que subir. Une consultation chez le notaire est donc toujours utile. Peut-être pas dès la naissance du premier enfant mais généralement lors de l’achat d’un premier bien immobilier, où un patrimoine familial commence à se constituer. Sans oublier, malgré tous ces impératifs juridiques, que l’un des principaux droits de l’enfant, c’est celui d’être aimé !
Pour aller plus loin :
Le trimestriel "Conseils des notaires" et ses fiches pratiques. A retrouver aussi sur : https://conseilsdesnotaires.fr/
Le site des services publics : https://www.service-public.fr/
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