Acheter cahiers et stylos pour l’année à venir, inscrire les enfants au sport, accepter de nouvelles responsabilités au travail, s’inscrire à la permanence d’une association, inviter des amis à dîner, lancer enfin ce cercle de lecture… La rentrée s’accompagne souvent d’hyperactivité. Ce qui peut être galvanisant mais aussi épuisant. Qu’est-ce que ça dit de nous et de notre société ? Est-il encore possible de ralentir ? Marie-Charlotte Laudier reçoit Vincent de Gaulejac, sociologue, professeur émérite des universités, co-auteur de "La lutte des places" (éd. Desclée de Brouwer) et "La société malade de la gestion" (éd. Seuil, 2005).
"Et le colonisateur, c’est la vitesse, engendrée par le progrès de la technique (transports, transmissions, etc.). C’est le pouvoir de la vitesse, qui nous enferme, nous conditionne", disait Paul Virilio (en 2008). La vitesse et "aussi la multiplication des messages", complète Vincent de Gaulejac. La révolution numérique nous place devant des sollicitations multiples et des temporalités multiples. Et en cette période de rentrée, le sentiment de courir après le temps se fait particulièrement sentir.
Pourquoi a-t-on le sentiment manquer de temps, alors que les outils numériques nous en font gagner ? C’est là tout le paradoxe de cette révolution numérique. "Plus on gagne du temps, moins on en a", observe le sociologue. Nous sommes comme ces managers rendus insomniaques par le stress et qui « profitent » de leurs nuits pour travailler.
Les méthodes actuelles de management, d’ailleurs, ont un rôle fondamental dans notre conception du temps aujourd’hui. C’est en tout cas ce que défend Vincent de Gaulejac. Dans la vie professionnelle comme dans la vie privée, le mot d’ordre désormais est la rentabilité. Conséquence de la révolution numérique conjuguée à la révolution néolibérale : "Il faut que tout soit rentable." Comme si les concepts d’efficacité au travail avaient infusé dans toutes les strates de la société…
Ce qui guette l’individu pris dans ce temps-là est l’épuisement psychique. "Pour être reconnu, et quelque part inconsciemment pour être aimé, on intériorise cet idéal de performance, sur les plans corporel, affectif, sexuel… On nous demande d’être excellent et performant dans tous les domaines."
Cet épisode de Voyage intérieur a été diffusé le 31 aout 2022
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