Procréation : les enjeux bioéthiques des cellules-souches iPS
En partenariat avec Les Facultés Loyola Paris
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Transformer une cellule de la peau en ovule ou en spermatozoïde, ne plus naître d'un corps de femme mais d'un utérus artificiel... Si l'on en croit les récentes découvertes, ces scénarios ressemblent de moins en moins à de la science-fiction. Pourtant, nous n'avons pas encore mesuré les conséquences éthiques, sociétales, civilisationnelles, de ces nouvelles manières d'enfanter. Il semble urgent que la philosophie, la morale ou la science politique s'en emparent.
Depuis les années 2000, ce n’est plus seulement la façon dont les femmes envisagent l’enfantement qui évolue. On est désormais au seuil d'une véritable "révolution procréative", selon les mots de la philosophe Clarisse Picard.
"Il est probable qu’on va assister prochainement à l’effacement définitif du corps des femmes du processus d’enfantement, écrit Clarisse Picard dans "Philosophie de l’enfantement - Cinq méditations" (éd. Classique Garnier, 2022), Nous voyons l’horizon probable d’une rupture radicale entre le corps des femmes et l’enfantement. Nous allons même devenir la première civilisation depuis l’aube de l’humanité dont le bébé ne se développe plus dans le corps humain féminin." Ne plus naître d'un corps féminin, quelles conséquences cela peut-il avoir sur notre civilisation ? Si le développement des techniques biomédicales nous permet d'envisager des façons d'enfanter inédites, reste à débattre de cette "toute-puissance" procréative d'un point de vue éthique.
Or, le scénario de l'utérus artificiel ressemble "de moins en moins" à de la science-fiction, observe la philosophe. "On est de moins en moins dans un processus de science-fiction puisqu’on sait que plusieurs laboratoires dans le monde travaillent à l’élaboration de l’utérus artificiel." On appelle "ectogénèse" la procréation d'un être humain en dehors de l’utérus d’une femme. Un enfantement sans grossesse ni accouchement, peut-on vraiment y croire ? "C’est possible, des recherches sont en cours", assure Clarisse Picard. Mais est-ce ce que nous voulons ? "Si les garçons et les filles ne naissent plus d’un corps humain féminin, qu’est-ce que nous perdons ?" demande la philosophe, d’un point de vue anthropologique, civilisationnel...
On le sait aujourd’hui il n’est plus nécessaire d’avoir des relations sexuelles pour avoir un enfant. Une femme ménopausée peut tomber enceinte, une femme peut réclamer l’enfant d’un conjoint décédé... Et bientôt un individu pourra avoir un enfant sans recourir à un tiers d'un autre autre.
En effet, avec la gamétogénèse in vitro, la complémentarité procréative des deux sexes n'est plus nécessaire. Ce procédé permet de reprogrammer des cellules du corps en cellules procréatives. Ainsi, une cellule de ma propre peau, par exemple, peut être reprogrammée en ovule ou en spermatozoïde. "Il est estimé probable que cette technique soit appliquée aux humains à l’horizon de 2050", annonce Clarisse Picard.
→ À LIRE : L'Église catholique face aux nouvelles techniques de procréation
Utérus artificiel, gamétogénèse... Il y a ceux que ces progrès scientifiques effraient, d'autres que cela enthousiasme. Pour Bruno Saintôt, il faut distinguer ce qui relève des "projets utopiques" et ce qui relève de l'avancée médicale. Ainsi, pour la féministe radicale Shulamith Firestone (1945-2012) l'utérus artificiel permet est une façon de libérer les femmes de la servitude de l'enfantement. D'un autre côté, si l'on se place du côté médical, ce même utérus artificiel peut sauver la vie d'enfants prématurés. Il y a là "une conjonction entre le bienfait du projet médical et l’utopie de l’utérus et des gamètes artificiels", observe le Père Saintôt.
"Par le projet médical s’instaurent des possibles que nous n’avons jamais eus", nous dit le jésuite. Permettre aux enfants de naître dans de bonnes conditions est évidemment souhaitable. Cela ne doit pas empêcher de penser le sens de l’enfantement, comme le défend Clarisse Picard. Le penser alors qu’il va peut-être disparaître... Quelles traces dans l'histoire de l'individu cela peut-il laisser ? Des questions qui vont résonner dans l'intimité de l'individu mais qui sont aussi des questions politiques, sociétales, civilisationnelles. Sur ces aspects-là, nous sommes devant une page blanche immense.
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