Le Liban, un pays plongé dans le chaos
En partenariat avec L'ŒUVRE D'ORIENT
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Depuis deux ans, le Liban est au bord du gouffre, tentant du survivre à une crise multiple : économique, sociale et politique. En direct de Beyrouth Véronique Alzieu reçoit quatre libanais. Prêtre, journaliste, chef d'entreprise et professeur, ils racontent comment leur pays, qu'on appelait parfois "la Suisse du Moyen-Orient", a plongé dans l'obscurité.
Entre la révolution d'octobre 2019 qui a conduit les libanais dans la rue, les explosions du 10 aout 2020 et depuis deux ans la crise sanitaire du Covid, le Liban est à genoux. Pour expliquer les causes de cette crise nationale globale, le père Gabriel Khairallah, jésuite franco-libanais, parle « d’une descente en enfer, résultat d’une gestion calamiteuse de toute une classe politique corrompue. ». Le secteur public, gangréné par une gestion chaotique, se repose sur un secteur privé paralysé. Pour Georges Salamé, chef d’une entreprise industrielle d’un centaine d’employés, c’est un « parcours du combattant » au quotidien pour survivre économiquement.
Amin Elias est professeur à l’université et spécialiste en histoire des idées dans l'espace euro-méditerranéenn. Selon lui, le chaos économique et financier actuel au Liban est le résultat d’une crise sociale bien plus profonde. « La mort du Liban date de 1969 lorsque les communautés libanaises religieuses ont arrêté le projet du Liban et la volonté de vivre ensemble ». Le début de la guerre marque, pour lui, la fin d’un consensus national. Il donne l’exemple des musulmans, qui à l’époque font de la cause arabe leur fer de lance avec notamment la cause palestinienne. Un projet global qui prime sur la cause nationale. Cette scission communautaire a mis à mal le projet d’un Liban unifié, en faveur du vivre ensemble.
Pour le père Gabriel, l’identité confessionnelle a pris le pas sur la citoyenneté, ce qui empêchera la population libanaise de construire un projet commun. « On a sapé la citoyenneté et donc cette mosaïque (confessionnelle) est mort né ». Au Liban, chaque communauté religieuse a une représentation au niveau politique, une répartition du pouvoir inédite au niveau international. « Chaque confession a son propre morceau dans l’état » explique Amin Elias. Par exemple, au Liban, le président est toujours maronite, le ministre toujours choisi parmi la communauté musulmane sunnite… Chaque poste est attribué en fonction de l’appartenance religieuse.
"Les Libanais sont à bout, ils sont humiliés au quotidien" Caroline Hayek
Pour Caroline Hayek, journaliste franco-libanaise au journal L'Orient le Jour et lauréate du prestigieux prix Albert Londres 2021, ses concitoyens sont à bout de souffle. "C'est une situation extrêmement difficile, personne ne voit le bout du tunnel, c'est épuisant pour les gens." explique-t-elle. A Beyrouth, beaucoup de personnes vont jusqu'à dire qu'elles vivaient mieux pendant la guerre.
Le Liban qu'on appelait "la Suisse du Moyen-Orient" s'est écroulé économiquement. «Les gens ont eu beaucoup trop confiance en ces banques » dit Caroline Hayek. Les gens ont place leur argent dans les banques avec des intérêts allant jusqu’a 15%, il était évident pour la journaliste que "le château de cartes allait s'écrouler". Pour Georges Salamé l'explication est simple : "quand vous avez un état qui est en faillite, il ne peut s'endetter qu'en augmentant les taux." L’argent s’est volatilisé. Un système de corruption organisé selon Amin Elias. «On a tricoté un régime mafieux d’une manière trés professionnelle». Aujourd'hui les libanais ont beaucoup de mal à retirer leur argent des banques. La livre libanaise, elle, a perdu environ 90% de sa valeur en deux ans.
Le désir de changement est chevillé au corps de la population libanaise, notamment de sa jeunesse. En 2019 a eu lieu la révolution d’octobre. Les libanais sont descendus dans la rue pour dire leur mécontentement. Un moment de commnunion fort pour la jeunesse libanaise. "C’était un moment trés beau, toute la jeunesse était dans la rue" se souvient la lauréate du prix Albert Londres. "Après l’euphorie, il y a eu une gueule de bois" ajoute-t-elle "un peu comme lors des révolutions arabes".
Le père Gabriel était dans la rue avec les jeunes. "On a senti qu’on pouvait changer quelque chose. J'y suis allé comme homme d’Eglise pour écouter la rue et c’est le rôle de l’église" souligne le père Gabriel qui a battu le pavé portée par une soif de justice sociale. Pour le professeur Amin Elias, qui depuis la crise se considère comme pauvre, personne n’a su prendre ce projet à bras le corps pour construire quelque chose de concret politiquement. Pour Caroline Hayek, la violence des manifestations avec la présence de bandes armées et la passivité des forces de l’ordre ont fait peur à la jeunesse libanaise. Même si la résignation est tentante, les élections législatives prévues au printemps donnent un peu d'espoir au Libanais pour "commencer quelque part" se convainc Caroline Hayek.
"Moi, je suis professeur à l'université, je me trouve maintenant dans la pauvreté extrême alors que je touchais avant la crise 3000 à 4000 dollars, aujourd'hui je touche 160 dollars par mois" Amin Elias
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