Nice
Il est l'un des auteurs les plus lus au monde. Avec une cinquantaine de traductions, Albert Camus continue de susciter l'intérêt des lecteurs. Parmi eux, Hubert Védrine. Ancien conseiller de François Mitterrand, il fut aussi ministre des affaires étrangères de 1997 à 2002. Pour lui, Albert Camus est un rempart contre le fanatisme, la bêtise, l'ignorance, l'agressivité et l'inculture. L'ancien ministre revient sur le parcours du Prix Nobel de littérature.
Hubert Védrine raconte une passion. Dès sa jeunesse, ses parents lui avaient offert une œuvre d'Albert Camus. Ce dernier venait d'obtenir le prix Nobel de littérature. Et puis il y a eu le choc de sa mort en 1960. Albert Camus est victime d'un accident de voiture. Pour Hubert Védrine, c'est une sorte d'éblouissement.
"C'est un rempart contre le fanatisme, la bêtise, l'ignorance, l'agressivité, l'inculture, enfin tout ce qui nous menace", argue Hubert Védrine. Pour l'ancien ministre, l'auteur, grâce à ses qualités littéraires se place en rempart contre la haine. Hubert Védrine justifie cela en prenant pour exemple la qualité littéraire de la langue d'Albert Camus. "D'abord, il y a la langue. Il y a une langue de Camus qui est magnifique, magnifique, très décantée, mais pas du tout sèche, pas du tout intellectuelle, très sensible".
Il n'y a pas de langage corporel, il n'y a pas d'état d'expression creuse. Il y a un rempart comme une sorte d'avachissement du langage, de vulgarité, on va dire d'inculture aussi.
Pour Hubert Védrine, il y a chez Camus une volonté d'équilibre, qui se traduit dans des prises de position sur beaucoup de sujets, même s'il est très net contre la peine de mort, par exemple. Le ministre insiste sur le fait que le langage d'Albert Camus était tout de même un langage particulièrement maîtrisé. "Dans l'échange entre Sartre et Camus, qui est central, les mots sont quand même magnifiquement maîtrisés de part et d'autre, même quand c'était d'un désaccord profond." Ce langage précis n'exclue pas la profondeur des désaccords entre deux auteurs.
"Sa mère était illettrée. Il vient d'un milieu extrêmement modeste. C'était d'une famille espagnole qui venait de Minorque. Très, très, très, très pauvre. Et donc une famille analphabète. C'est incroyable. L'histoire est incroyable." Hubert Védrine s'étonne de la destinée d'Albert Camus étant donné son origine sociale. L'ancien conseiller de François Mitterand mentionne également un des instituteurs d'Albert Camus, Louis Germain, qui se rendra compte du potentiel d'Albert Camus. "Il faut rendre hommage, il faut citer Louis Germain. Louis Germain, c'est l'instituteur idéal, absolu", affirme Hubert Védrine. Plus tôt que les autres, l'instituteur remarque des dons chez Camus.
Cet instituteur se rend compte que ce jeune Albert a des dons particuliers d'expression, d'intelligence.
Pour Hubert Védrine, c'est grâce à ce professeur, à qui Albert Camus doit en partie son instruction, que le futur écrivain pourra obtenir des bourses qui l'aideront pour la suite de sa carrière. "Ce monsieur Germain se dit que ça n'est pas possible. il a quelques élèves formidables. Il veut leur faire acquérir des bourses", relève l'ancien ministre.
"Louis Germain va convaincre la grand-mère", raconte Hubert Védrine. Ce professeur parvient à faire changer Albert Camus de milieu, de classe sociale : "Et Camus dit qu'il était arraché à son milieu, arraché. Il change son destin", témoigne Hubert Védrine. Pour l'ancien conseiller de François Mitterrand :
C'est un petit garçon qui va devenir un homme qui va avoir le prix Nobel de littérature.
Hubert Védrine est frappé d'admiration quant à la réussite de Camus. Il revient également sur la honte que ressentait Albert Camus par rapport à son milieu d'origine. "Une des choses les plus magnifiques, les plus bouleversantes qu'il ait écrites, il dit j'ai eu honte au début, socialement. Et après, il dit : j'ai eu honte d'avoir eu honte. Plus jamais j'aurai eu honte de ma mère. Il y revient dans beaucoup de textes", raconte Hubert Védrine. D'après lui, Albert Camus ne renie pas ses origines, il les assume.
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