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Annie Ernaux : débat autour du prix Nobel de littérature

Un article rédigé par Laurette Duranel - RCF, le 7 octobre 2022 - Modifié le 17 juillet 2023
EffervescenceNobel de littérature, une bibliothèque pour le monde

Ce jeudi 6 octobre, la Française Annie Ernaux a reçu le prix Nobel de Littérature, à l’âge de 82 ans. C’est la 17e femme et aussi la toute première Française à recevoir ce prix depuis 1901. En l’élisant lauréate, l’Académie suédoise a voulu saluer "le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle". Une décision qui ne fait pas forcément l'unanimité parmi les chroniqueurs d'Effervescence, voici pourquoi.

L'œuvre d'Annie Ernaux est en grande partie publiée aux éditions Galllimard ©Annie Ernaux / photo Catherine Hélie, GallimardL'œuvre d'Annie Ernaux est en grande partie publiée aux éditions Galllimard ©Annie Ernaux / photo Catherine Hélie, Gallimard

Annie Ernaux, "la voix de nombreuses femmes"

 

"Je me réjouis que ce soit une femme", lance d’emblée Anne-Laure Filohl. De son côté, Éric Duprix en vient à se demander si l’Académie a "des quotas à faire respecter" : "Sur les dix derniers Nobel il y a cinq femmes, ils se sont largement rattrapés", plaisante-t-il.  

 

Ce que l’on ne pourra pas enlever à l’auteure de 82 ans, c’est le fait qu’elle a « donné une voix aux femmes, poursuit Anne-Laure Filhol, c’est l’une des premières à avoir parlé de son avortement dans "L’Evénement". Elle a mis au grand jour des souffrances partagées par énormément de femmes, et on ne peut que louer cela. »

 

Au-delà de ce témoignage, ce qui intéresse la journaliste "c’est qu’Annie Ernaux est à la fois historienne, philosophe et sociologue. Elle parle de luttes de classe, de luttes féminines, voire féministes." La spécialiste Culture loue également ses travaux sur le transfuge de classe, puisque que les parents de l’auteure étaient ouvriers puis épiciers en Normandie et que son mariage et ses études l’ont plongée dans un environnement bourgeois.

 

Un "je" trop nombriliste ?

 

Éric Duprix, lui, voit dans l’aspect autobiographique des œuvres d’Annie Ernaux, un côté nombriliste qu’il exècre. Sur le style même, le chroniqueur reconnaît qu’il "n’arrive pas du tout à accrocher à l’écriture neutre et objectif qu’elle revendique". Même impression pour François-Xavier Maigre, rédacteur en chef du journal Le Pèlerin : "Il y a quelque chose de clinique dans son écriture qui moi me rebute." Développée par des psychanalystes, l’écriture dite clinique consiste à adopter, par l’écrit personnel, une démarche réflexive sur une pratique vécue et contribuer ainsi à sa compréhension et à la construction d’un savoir clinique.

 

Au-delà de l’écriture en elle-même, Éric Duprix admet qu’il y a "énormément de choses qui [le] gène" chez Annie Ernaux. Le présentateur de Radio Présence rappelle qu’elle a soutenu Houria Bouteldja [fondatrice du Parti des Indigènes de la République, militante du décolonialisme, NDLR] et qu’elle avait cosigné une tribune en 2019 pour appeler au boycott de l’Eurovision à Tel Aviv, pour protester contre la "violation systématique par Israël des droits des Palestiniens".  Un positionnement politique que ne partage pas Éric Duprix, qui estime "qu’il y a beaucoup d’autres écrivains vivants qui auraient mérité d’être récompensé par ce Nobel". Salman Rushdie et Michel Houellebecq faisaient notamment partie des favoris parmi les parieurs. 

 


Effervescence, le magazine de l’étonnement culturel. Autour de Stéphanie Gallet, rédactrice en chef Culture et Société RCF, des chroniqueurs débattent de l'actualité culturelle et partagent leurs découvertes : cette semaine, Éric Duprix de Radio Présence à Toulouse, Anne-Laure Filhol de l'hebdomadaire La Vie, et François-Xavier Maigre, rédacteur en chef du magazine Le Pèlerin.

 

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