Les prêtres étrangers envoyés en mission en France pointent du doigt une réalité qu’il est parfois difficile à accepter dans les paroisses. Celle d'une Église catholique vieillissante et du peu de culture religieuse des jeunes. Quelle est l'expérience de ces prêtres dits "Fidei donum" ? Comment se passe la cohabitation dans les paroisses ? Et quel accueil de la part des fidèles ? Reportage à Aubenas, en Ardèche.
En France, on estime à 3.000 le nombre de prêtres étrangers et 2.500 d'entre eux viennent de pays africains. Ces prêtres "Fidei donum" (en latin, "don de la foi") sont envoyés par leur diocèse d'origine pour une durée déterminée. Ils viennent de loin palier au manque de vocations et trouvent dans notre pays des paroisses souvent vieillissantes et des jeunes qu'il faut évangéliser... Comment se passe la cohabitation ? Quel accueil de la part des fidèles ? Béatrice Soltner s'est rendue dans la paroisse Saint-Benoît d'Aubenas, où sur quatre prêtres, deux viennent du Mali et un de Pologne.
"Je commence à m’adapter, je crois que je peux manger de tout maintenant, au niveau de l’Ardèche !" Le Père Joseph vient d’arriver en France. Il a été envoyé comme prêtre "Fidei donum"pour la paroisse Saint-Benoît d’Aubenas. Il y a retrouvé le Père Élie, qui, comme lui vient du diocèse de Sikasso, au sud du Mali.
Arrivé en France il y a six ans, le Père Élie a connu des débuts difficiles. "Ce qui me décourageait c’est qu’il n’y avait pas cette vie. Je pense qu’en France, c’est personnel, mais l’individualisme a vraiment pris de la place." Ainsi, après la messe, le Père Élie était habitué à discuter avec les paroissiens. En France, après avoir dit sa première messe dominicale, le temps d’enlever ses habits liturgiques à la sacristie, "il n’y avait personne" sur le perron de l’église avec qui discuter...
Une autre chose l’a déconcerté. "Tu dis à quelqu’un : Je vais chez toi aujourd’hui, pas pour manger, juste pour échanger, faire connaissance. La personne va te dire : Bon, oui, attends on va organiser, on va t’appeler un autre jour… Nous, on n’est pas habitués à ça !" Il lui a fallu du temps pour s’habituer, lui qui trouvait les Français "trop fermés". "Mais au fur et à mesure, tu te rends compte qu’il y a des portes qui commencent à s’ouvrir." Le Père Élie s’apprête à rentrer dans son pays l’an prochain.
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Au XIXe siècle, nombreux sont les prêtres français que l’Église catholique envoyait évangéliser dans le monde entier. Aujourd’hui, c’est en France que les prêtres viennent en mission. Au risque de se trouver déconcerté par le peu de culture religieuse, notamment des collégiens ou des lycéens. "Franchement il y en a qui ne savent rien ! Ils ne savent rien de l’Église, ils ne savent de Jésus Christ, ils ne savent rien de la Bible, s’étonne le Père Élie. Il ne faut pas dire qu’ils savent déjà quelque chose même s’ils ont 15 ou 18 ans, il faut commencer à la base avec eux."
Quand il était au Mali, le Père Élie ne comprenait pas pourquoi, dans l’Église catholique, on parlait tant de la "nouvelle évangélisation". Maintenant, il comprend "qu’il s’agissait de l’Europe…" Cependant, le Père Wojciech Samuel, lui aussi prêtre "Fidei donum" et curé de la paroisse Saint-Benoît, se réjouit de trouver des paroissiens attachés à leur foi. "Ici peut-être que l’église n’est pas pleine mais les personnes qui veulent vivre vraiment avec Jésus ne le font pas par tradition mais par choix."
Le Père Wojciech peut compter sur l’aide des laïcs, souvent des retraités, qui donnent un coup de main. André se dit "très heureux" d’accueillir des prêtres étrangers, "ce qui permet de se rendre compte que l’Église est universelle". Jean-Louis, "d’une famille très catholique", reconnaît que "les gens sont un petit peu individualistes", que "l'on a plutôt tendance à partir chacun de son côté à la fin de la messe", et que "la religion, ça n’a plus guère d’importance par rapport aux jeunes…"
C’est nous qui sommes un pays pauvre au niveau de la spiritualité, conclut Stéphanie. Voilà, c’est peut-être difficile à accepter. On a eu une Église très riche, maintenant on a une Église qui est pauvre
Actuellement en Ardèche, sur les trente-cinq prêtres en responsabilité dans les paroisses, dix-sept sont "Fidei donum", c’est dire l’importance cruciale de leur présence dans un diocèse rural très étendu. Ces missionnaires viennent aussi interroger la foi des fidèles et leur degré d’engagement dans l’Église.
"Je me réjouis que nous puissions accueillir des prêtres, parce que sinon comment pouvoir bénéficier de l’eucharistie et de tous les autres sacrements ?" Stéphanie Simon, membre de l’équipe d’animation pastorale à la paroisse Saint-Benoît, se dit que sa paroisse "a beaucoup de chance". Mais il arrive que des paroissiens se plaignent de ne pas comprendre ce que dit le prêtre au fort accent étranger... "On peut entendre des paroissiens qui pestent un petit peu, qui râlent, raconte Stéphanie, je trouve ça un peu grossier de se lamenter alors qu’on n’a plus de prêtres et qu’on a la chance d’accueillir des prêtres qui viennent de l’autre bout de la terre pour nous, pour donner leur vie pour nous."
"Notre Église serait pauvre sans eux", estime aussi Carine Feit, adjointe en pastorale scolaire au lycée Jules-Froment. Ces prêtres étrangers envoyés en mission dans les paroisses de France pointent du doigt une réalité qu’il peut être difficile à accepter. "C’est nous qui sommes un pays pauvre au niveau de la spiritualité, conclut Stéphanie. Voilà, c’est peut-être difficile à accepter. On a eu une Église très riche, maintenant on a une Église qui est pauvre." Le Père Nicolas, le seul prêtre français de la paroisse, doit consacrer une partie de son temps à une autre paroisse située sur le plateau ardéchois, et dont le curé est très malade.
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