Tous ceux qui ont rencontré Christiane Singer, écrivaine française décédée en 2007, ont été frappés par le magnétisme de sa présence. Et surtout par la profondeur et la beauté de ses paroles et de ses écrits. Audrey Fella, historienne, travaille depuis plusieurs années sur les femmes mystiques et les femmes en quête d’absolu. Elle vient de publier une biographie intitulée "Christiane Singer, une vie sur le fil de la merveille" (éd. Albin Michel, 2022).
Née à Marseille en 1943 et morte à Vienne en Autriche d’un cancer foudroyant à 64 ans, Christiane Singer est une romancière, qui a connu peu après 40 ans un tournant spirituel et mystique. Elle a laissé l’image d’une femme belle, séductrice, charismatique, avec "un côté un peu théâtral qui ne plaisait pas à tout le monde", note sa biographe. "Jeune, elle avait un petit air d’Audrey Hepburn, elle avait le désir de plaire, elle aimait se montrer, parler, se mettre en valeur." Elle a pensé devenir comédienne, elle s’est dirigée vers l’architecture pour faire plaisir à son père puis s’est lancée dans l’écriture.
Christiane Singer est née durant la Seconde Guerre mondiale. Son père était juif, issu d’une famille athée non pratiquante. Le destin des juifs a marqué Christiane Singer toute sa vie durant, même si elle était catholique comme sa mère. Une partie de la famille de son père avait pu fuir l’Autriche mais ceux qui y sont restés ont été déportés. "Christiane Singer s’était juré de rester dans ce devoir de mémoire et de revenir un jour sur les lieux du crime."
"Ce qui m’a beaucoup touché c’est son écriture, une écriture assez particulière, assez dépouillée, que je trouvais très vivante", confie Audrey Fella, qui travaille depuis plusieurs années sur les femmes mystiques et les femmes en quête d’absolu. Audrey Fella parle de Christiane Singer comme d’une "amoureuse des mots et de la littérature". Ses premiers romans, comme "Les cahiers d’une hypocrite" (éd. Albin Michel, 1965), "Vie et mort du beau Frou", ou encore "La mort viennoise" (1978), montrent que Christiane Singer "avait perdu le sens du sacré qu’elle avait étant petite" et qu’elle s’était tournée "vers ce qu’elle appelait la religion de la raison".
Mariée au comte Georg von Thurn-Valsassina, devenue châtelaine de Rastenberg, en Autriche, Christiane Singer a beaucoup écrit sur les relations amoureuses. Pourtant tout n’était pas si simple dans son couple. C’est d’ailleurs à la faveur d’une profonde crise entre son mari et elle qu’elle a renoué avec le sacré.
Elle considérait qu’il fallait tout accepter tout vivre dans la vie, la maladie, les crises et à la fois l’amour, les enfants…
À 43 ans, sa rencontre avec Hildegund Graubner, a été décisive pour Christiane Singer. Elle lui a fait découvrir l’enseignement de Karlfried Graf Dürckheim (1896-1988). Un enseignement qui "mêle la mystique chrétienne, le bouddhisme zen et la psychologie des profondeurs de Jung", comme l’explique Audrey Fella. Sa redécouverte du sacré et de la mystique a "transformé sa vie" même si Christiane Singer ne se définissait pas comme mystique, plutôt comme "une chercheuse ardente". De même, elle n’aimait pas l’étiquette de guide spirituelle, que ses lecteurs lui ont attribuée. "On l’a un peu gourouisée", admet sa biographe.
"La spiritualité de Christiane Singer est très ancrée dans le quotidien. Elle considérait qu’il fallait tout accepter tout vivre dans la vie, la maladie, les crises et à la fois l’amour, les enfants…" Et ce qui est saisissant chez elle, c’est la façon dont elle a vécu l’épreuve de la maladie. Durant ses sept derniers mois où elle a affronté un cancer foudroyant, "elle a vécu le terrifiant mystère de la maladie qui vous ramène à une humilité difficile à décrire pour ceux qui n’ont pas connu ça".
Et pourtant cette épreuve a "généré chez elle une force de vie et un amour pour la splendeur et la célébration de la vie qui est propre à elle et qui est hors du commun !" Audrey Fella évoque la maladie la maladie de Christiane Singer comme un moment qui l’a conduit à "parachever l’éclosion de son être et l’humanisation de sa personne". "Vivre pleinement et aimer immodérément, telle aurait pu être la maxime de Christiane Singer", conclut sa biographe. Lire l’œuvre de Christiane Singer c’est "comprendre que l’on n’est pas que sa personnalité, son nom son prénom, mais aussi qu’il y a du vivant en soi".
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