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Dans "Sous le voile", Hélène Lenoir raconte les années de vie religieuse de sa propre mère

RCF, le 17 février 2022 - Modifié le 17 juillet 2023
L'Actualité littéraire"Sous le voile", d'Hélène Lenoir

Christophe Henning a lu pour nous "Sous le voile" (éd. Grasset) d'Hélène Lenoir. Un livre dans lequel la romancière retrace les années de vie religieuse de sa propre mère, qui, en religion s'appelait Sœur Jeanne-Marie. Si elle ne cache pas la violence psychologique à l'œuvre dans la vie religieuse d'antan, elle raconte aussi cette quête insatiable et toujours contemporaine d’une vocation.

©Alessia GIULIANI/CPP/CIRIC©Alessia GIULIANI/CPP/CIRIC

Dans "Sous le voile", Hélène Lenoir raconte les années de vie religieuse de sa propre mère

 

C’est l’histoire d’une vocation. Non pas d’une vocation ratée, mais plutôt une vocation perdue, égarée, ensablée dans des incompréhensions telles que la jeune Sœur Jeanne-Marie sera bientôt incapable de tenir son engagement.

 

Cette religieuse n’est autre que la mère de l’auteure, Hélène Lenoir, qui précise dès les premières pages que cette fiction a trouvé sa source dans le carnet de novice que tenait sa mère. En reconstituant ses neuf années de vie religieuse, il y avait toute la place pour la romancière.

 

En 1941, la jeune femme entre à Notre-Dame de Sion, une congrégation mi-contemplative, mi-enseignante, fondée en 1843, avec notamment comme vocation la conversion des juifs… Ce qui, fort heureusement évoluera avec le temps, pour devenir la source d’un dialogue judéo-chrétien respectueux.

 

La vie religieuse telle qu’elle existait il y a... 80 ans

 

C’est bien des années après qu’une vieille femme raconte ses années d’épreuves, de douleurs endurées par la jeune religieuse qu’elle était et qui n’aspirait qu’à une chose : réaliser sa vocation. Pour y parvenir, il est vrai que les "Mères", qui dirigent les couvents, sont sans pitié… "On a eu des rationnements de nourriture et presque pas de chauffage en hiver, mais ça faisait partie de notre formation de novice, les privations, les sacrifices", raconte l’ancienne religieuse à qui l’on a appris cette prière effrayante : "Je sais qu’il faudra obéir toujours, quand même, en aveugle, sans comprendre, jusqu’à la mort de toute vie personnelle."

 

À cette exigence s’ajoute les mesquineries de la vie communautaire, les scrupules qui paralysent la jeune novice : "Dieu me demandait trop. Et moi qui Lui avais promis obéissance aveugle, j’étais incapable, tour à tour révoltée et désespérée, réduite à rien… Je ne savais évidemment pas que ma vraie lutte ne faisait que commencer." Impuissant, on assiste au fil des pages au naufrage de cette religieuse qui finit par se convaincre que les pénitences les plus lourdes étaient une bénédiction…

 

On est abasourdi par la violence psychologique qui est assénée au prétexte de la sacro-sainte Règle que doivent respecter les religieuses. Et pourtant, cette existence fragile est accordée aux fondamentaux de la vie contemplative, les temps de prière, le silence et le dépouillement. Au bout de neuf ans, le bilan est édifiant, Sœur Jeanne-Marie n’est plus que l’ombre d’elle-même : "Je reprenais mes difficultés, mes défaillances, indignités, déceptions, incompréhensions, chutes... Neuf années d’immenses efforts, de renoncements, de luttes, de sacrifices pour rien. Tendue de tout mon être vers la perfection d’une Fille de Sion, mais ce n’était pas assez. Trop d’orgueil. Ma bête noire invincible. Réduite à rien." Ouh là, c’est du lourd, il était temps d’aller voir ailleurs…

 

Quitter la vie religieuse : et après ? 

 

Peut-on vraiment tirer un trait sur neuf années d’une vie entièrement consacrée à une vocation, quand bien même celle-ci fut mal vécue ? Dans la première partie, c’est ce cheminement qui mène à l’impasse qui nous est raconté à la première personne, une sorte de longue confession qui mène au renoncement, pour rester en vie, pour se retrouver soi-même.

 

Dans la deuxième, partie Jeanne n’est plus seule, mais elle est encore avec ce passé qui rejaillit en délire mystique, quand il ne vient pas heurter son entourage si prévenant. En fait, ce que nous révèle le livre, c’est qu’on ne peut aimer par la force, qu’on ne devient pas soi-même sous la contrainte, qu’une vocation ne s’épanouit qu’au grand vent de la liberté.

 

Un livre qui parle sans doute d’une autre époque, d’une vie religieuse d’antan, mais qui raconte cette quête insatiable et toujours contemporaine d’une vocation, qu’elle soit religieuse ou non, d’une vocation qui nous dépasse. Et pour cela, il faut se dévoiler.

 

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