Je vous emmène à Venise. Plus exactement dans une exposition "immersive" consacrée à la Cité des Doges. Cela se tient à Paris dans un lieu étonnant. Une partie de l’Opéra Bastille restée inutilisée depuis l’inauguration de ce bâtiment il y a plus de 30 ans. Le projet d’origine prévoyait, en plus de la grande salle, une salle dite modulable qui n’a jamais été réalisée par manque de crédits. Cet espace spectaculaire - un volume vide de plus de 26 mètres de hauteur, des galeries, des escaliers inachevés - a été remarquablement aménagé par l’architecte Frédéric Druot pour accueillir des expositions organisées par Grand Palais Immersif, société filiale de la Réunion des musées nationaux.
Le concept s’est développé rapidement ces dernières années. Ce sont des expositions utilisant des techniques de pointe dans le domaine audiovisuel et numérique dont l’objectif est de plonger le visiteur dans un univers virtuel. On connaît notamment les Ateliers des Lumières, à Paris, aux Baux-de-Provence ou à Bordeaux, qui organisent des projections d’images géante de peintres comme Van Gogh, Cézanne ou Klimt. Expositions très contestées par les historiens d’art qui y voient des opérations commerciales sans valeur esthétique. La démarche du Grand Palais Immersif se veut beaucoup plus exigeante. Pas seulement du spectaculaire mais aussi un souci marqué de transmission des connaissances.
Les deux dimensions sont bien présentes, le spectaculaire et la qualité didactique. Il faut dire que le sujet s’y prête : l’histoire d’une ville d’une beauté presque irréelle mais en même temps confrontée depuis des siècles à des défis très réels pour survivre au péril de la mer.
Pour ce qui est du spectaculaire, on retiendra un splendide survol de la ville sur très grand écran. Et surtout, dans l’espace central, trois écrans géants pour découvrir la place Saint-Marc et le Palais des Doges. Des images de très haute définition nous font littéralement franchir les murs pour découvrir l’intérieur du palais. C’est bluffant.
Elle est très bien assurée, l’exposition ayant été conçue par d’éminents spécialistes de la Cité des Doges. Même les connaisseurs de l’histoire de la ville feront des découvertes en visitant l’exposition. Par exemple comment Venise a sacrifié ses marais salants au XIIIe siècle, préférant s’enrichir dans l’import-export du sel produit ailleurs à moindre coût. Voilà qui ressemble fort aux délocalisations de notre époque.
Pour découvrir ces éléments historiques, il faut consacrer du temps à la lecture des panneaux et des écrans de l’exposition. Même si de nombreux dispositifs sont astucieusement interactifs, ils ne provoquent pas un sentiment évident d’immersion.
Pour parler de manière familière, on se dit alors qu’on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Conjuguer le spectaculaire avec le sérieux n’est pas un exercice facile. L’exposition "Venise révélée" n’y parvient pas tout à fait mais c’est un bel essai qui mérite la visite.
> Exposition "Venise révélée", du 21 septembre 2022 jusqu’au 19 février 2023 au Grand Palais (Paris)
Chaque mardi à 8h45, Guillaume Goubert et Simon de Monicault présentent une exposition ou un événement qui raconte l'histoire de l'art.
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