L'artiste contemporain Jean-Michel Othoniel expose ses œuvres au Palais du facteur Cheval, dans la Drôme. Une démarche qui a suscité des réactions très négatives, le mot "sacrilège" a même été prononcé... Guillaume Goubert pose la question : est-il légitime pour un artiste contemporain d'installer ses œuvres dans un monument ancien ?
Guillaume Goubert nous emmène dans la Drôme, au Palais idéal du facteur Cheval, pour évoquer une question délicate : est-il légitime qu’un artiste contemporain installe ses œuvres dans un monument ancien ?
En l’occurrence, l’artiste contemporain s’appelle Jean-Michel Othoniel, connu et apprécié pour ses sculptures composées de pièces de verre. Il a notamment créé une entrée du métro parisien devant la Comédie française et aménagé une fontaine dans le parc de Versailles. Quant au monument, il s’agit de ce chef d’œuvre de l’art naïf dénommé Palais idéal du facteur Cheval, situé à Hauterives dans le département de la Drôme. Il y a eu des réactions très négatives à la présence d’Othoniel dans les murs du palais, le mot "sacrilège" étant même prononcé.
Le facteur Cheval a vraiment existé. Né en 1836, Ferdinand Cheval devint facteur à Hauterives en 1878. Au cours de ses longues tournées à pied dans la campagne drômoise, il a commencé à ramasser des pierres dont il trouvait la forme intéressante. Avec ce matériau, l’idée lui est venue de bâtir d’étonnantes constructions, pleines de références à l’histoire et à la géographie. Trois grandes silhouettes évoquent Jules César, Vercingétorix et Archimède. Il y a des inspirations architecturales du côté des mosquées, des temples hindous ou des tombeaux égyptiens. Le facteur Cheval a mené son chantier tout seul, travaillant à son palais de 1879 jusqu’en 1913. Il est mort en 1924.
Dès 1905, le palais fut ouvert aux visites et devint une attraction touristique. Bientôt, il a aussi suscité l’admiration de nombreux artistes, en particulier de surréalistes comme Salvador Dali, André Breton ou Max Ernst. En 1969, André Malraux, alors ministre de la Culture, décida de classer le palais comme monument historique. Il dut passer outre l’opposition de l’administration, très hostile à ce que l’on reconnaisse une valeur artistique à l’œuvre de Ferdinand Cheval. Ce qui laisse rêveur quand on observe aujourd’hui l’émerveillement des visiteurs.
Chaque fois qu’un artiste vivant installe des œuvres dans un monument ancien, il y a des critiques à cause du hiatus esthétique que cela provoque. On l’a vu par exemple ces dernières années à propos de sculptures contemporaines dans le parc du château de Versailles. Dans le cas qui nous occupe, il y a une difficulté supplémentaire. Le Palais du facteur Cheval est moins un bâtiment qu’une sculpture en lui-même. L’artiste invité peut donc apparaître comme un coucou s’installant chez un de ses aînés.
Il serait cependant injuste d'adresser une critique à Othoniel. Il a depuis son enfance un véritable amour pour l’œuvre du facteur Cheval. Sa présence est très respectueuse du monument et tout est réversible bien sûr. Pour être franc, ce n’est pas à mes yeux une réussite complète. Les deux styles ne cohabitent pas vraiment bien. Mais je retiens sans hésiter les vitraux installés par Othoniel dans certaines ouvertures. Ils sont magnifiques et l’on souhaiterait presque qu’ils restent en place à la fin de l’exposition le 6 novembre prochain.
Chaque mardi à 8h45, Guillaume Goubert et Simon de Monicault présentent une exposition ou un événement qui raconte l'histoire de l'art.
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