Être vivant jusqu'à la mort ; La mort ne m'aura pas vivant... Au sujet de la vie, les grands penseurs ont rivalisé de lapalissades. Justement, ces évidences nous rappellent une chose : la vie, dans sa définition la plus stricte, est opposition à la mort. Le philosophe Frédéric Worms nous aide à penser ce qu'il y a de plus difficile à définir parce que trop évident : ce qu'est la vie.
Le philosophe Frédéric Worms, actuel directeur de l’École normale supérieure (ENS), est membre du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) depuis 2013 et spécialiste de l'œuvre de Bergson. La vie, le vivant, sont au cœur de ses travaux de recherche. Il vient de publier "La vie - Qu’est-ce que ça change ?" dans une collection des éditions Labor et Fides lancée en janvier 2024. Son essai place d’emblée le lecteur au seuil de questions essentielles. Frédéric Worms nous aide à penser la vie dans son acception la plus radicale : elle s’oppose à la mort.
En dehors de son opposition à la mort, la vie je ne sais pas ce que c’est
"Dire que la vie est le contraire de la mort, c’est un truisme", admet Frédéric Worms. D’ailleurs au sujet de la vie, on peut dire que les grands penseurs rivalisent de lapalissades. On connaît la fameuse formule du seigneur de La Palice : "Un quart d’heure avant sa mort, il était encore en vie". Ricœur - "Être vivant jusqu’à la mort" - ou Sartre - "La mort ne m’aura pas vivant" - ne font pas mieux !
Ces évidences nous montrent, selon Frédéric Worms, que "cette opposition de la vie et de la mort elle a quelque chose d’évident". Justement, le philosophe entend "la pousser jusqu’au bout" : pour définir la vie, il faudra prendre appui sur cette opposition. Parce qu’au fond, nous n’avons que cela pour comprendre ce qu’est la vie. "La vie s’oppose à la mort : c’est tout ce que je sais de la vie, nous dit le philosophe. Je pense qu’on ne peut pas tellement aller plus loin dans la pensée humaine, que de dire : En dehors de son opposition à la mort, la vie je ne sais pas ce que c’est."
L’approche de Frédéric Worms dessine une troisième voie, entre deux grandes approches - insatisfaisantes à ses yeux - du monde vivant. D’abord l’approche métaphysique, qu’il décrit comme "une position qui va chercher un principe de la vie, une essence de la vie au-delà de cette opposition à la mort".
Pour Frédéric Worms la métaphysique, en allant tout de suite chercher un absolu au-delà de la mort, oublie "le point de départ" : "Ce que nous savons du vivant c’est qu’il résiste à un contraire. La réalité de la vie est le fait concret de la résistance à son contraire." La vie trouve une définition dans l’expérience "fragile mais aussi affirmative, précaire mais aussi joyeuse" propre à l’être vivant.
L’autre tendance, scientifique, est la "lutte contre la mort". C’est l'approche qui "fournit des armes à la médecine et au soin pour lutter contre les causes objectives de la mort, mais qui oublie que le vivant est un sujet". Or, c'est là une "dimension fondamentale", pour Frédéric Worms : "Le sujet est acteur de sa vie."
En quoi le propos de Frédéric Worms peut-il nous aider ? Définir la vie comme une opposition à la mort, comment cela peut-il servir de boussole ? "J’essaie de montrer qu’il faut passer d’un extrême à l’autre pour s’orienter, explique-t-il. Partir de la pire des morts violentes… et, face à cet ensemble de dangers, le propre des humains est de devoir construire des institutions qui arbitrent ces dangers."
Ainsi, "en partant de la vie on arrive très vite à la justice, on arrive très vite à la démocratie, au dialogue entre humains pour discuter de ce qui pour nous est le plus urgent aujourd’hui".
Mieux comprendre le monde, dans lequel nous sommes invités à vivre en chrétiens, grâce aux travaux des historiens, des sociologues et des artistes ainsi qu’à travers la réflexion philosophique. C'est ce que vous proposent Monserrata Vidal et Sarah Brunel.
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