KRIMI comment Fritz Lang a créé M le maudit

M le Maudit est souvent considéré comme le plus grand film allemand. Tourné en 1931, en pleine montée du nazisme, il est le chef d'œuvre de Fritz Lang. Inspiré de l’histoire de Peter Kurten, surnommé le tueur de Dusseldorf, il met en scène la traque d’un assassin qui tue sans vergogne femmes et enfants. Avec Krimi, Thibault Vermot et Alex W Inker nous offrent, non pas une adaptation, mais une relecture de ce classique du cinéma allemand.

Un livre sur la naissance d’un film

Il s'agit ici, de raconter la naissance d’un film et d’interroger le travail de Fritz Lang. Et d’ailleurs pourquoi le cinéaste s’intéresse-t-il autant à la pègre et au crime ? Pourquoi son œuvre aborde-t-elle autant le thème de la culpabilité, des fausses accusations ? La mort par balle de sa première épouse en 1920 ou 1921, la date s’est perdue, aurait-elle quelque chose à voir dans ces obsessions et d’ailleurs Fritz Lang a-t-il tué cette femme pour convoler avec son amante ? 

Une réflexion sur l’origine du mal et sur le pouvoir du cinéma

La mort tragique de sa première femme est une fragilité pour le cinéaste allemand. Et c'est sur cette faille que va s’appuyer l'inspecteur Lomhan de la police criminelle de Berlin.  Quand, dans les premières cases de cet album, il rencontre Fritz Lang, celui-ci est occuppé par le tournage de son film La femme dans la lune, mais l’inspecteur va réussir à le convaincre de le suivre dans les bas-fonds de Berlin à la rencontre d’un monde interlope. Le policier veut montrer le mal qui gangrène la ville, pour lui le réel est infiniment plus cruel que la fiction. En fait, le policier croit au pouvoir du cinéma qui oblige les gens à voir ce qu’ils refusent de voir dans la vraie vie. Si Fritz Lang réussissait à montrer ce qui arrive "quand la nuit tombe et que l’homme en noir sort de l’ombre, alors, croit savoir le policier, ils pourront changer le monde. "

M le Maudit sortira en 1931 et on connaît la suite … L’Allemagne n’est pas devenue meilleure, le monde non plus bien au contraire. Et on comprend à la fin de l’album que l’horreur de ces assassinats d’enfants annoncent bien d’autres crimes qui défigureront l’humanité.

Krimi est donc aussi une réflexion sur le pouvoir du cinéma. M le maudit signe le passage au parlant pour Fritz Lang , un passage symbolique puisqu’il s’agit également de donner une voix à ceux qui n’en ont pas : les enfants.

Krimi, un très bel  album en noir et blanc 

On avait déjà remarqué le duo Thibault Vermot et Alex W Inker pour leur adaptation de Colorado Train, un roman glaçant du même Thibault Vermot. On était aux Etats Unis dans les années 90 et la disparition d’un ado dans une banlieue pourri était l’occasion de dresser un portrait sans concession de cette frange de la population en marge de la prospérité américaine. Avec Krimi, on change d’époque, de continent, mais il est toujours question d’enlèvement d’enfants et du mal qui gangrène les hommes et la société.

On reste également dans le noir et blanc même si Alex W Inker s’est complètement renouvelé pour coller à la tonalité du film. Son dessin à l’encre rehaussé de fusain est magnifique et traduit avec force la noirceur de cette œuvre qui pose la question du mal. Ames sensibles s’abstenir, même en noir et blanc, la vision d’un corps mutilé sur une scène de crime reste toujours éprouvante. 

Krimi de Thibault Vermot et Alex W Inker est publié chez Sarbacane