C'est l'histoire d'un ancien séminaire fondé à Jérusalem par des moines bénédictins français en 1900. Sur volonté du pape Paul VI, il est devenu un lieu d'accueil pour les pèlerins de toutes religions. Tenue par le Secours catholique, la Maison d'Abraham est un espace de dialogue et de rencontre. Un lieu exceptionnel, véritable havre de paix dans une ville marquée par les conflits incessants.
Depuis le toit-terrasse de la Maison d'Abraham, la vue sur Jérusalem est saisissante ! Une vue "à 360 degrés", décrit Bernard Thibaud, le directeur des lieux. "Vers l’Ouest, on voit la vallée du Cédron, la cité de David, la Jérusalem ancienne." Celle du temps de Jésus, qui se trouve en dehors des remparts actuels. "Cette bande de terre que vous voyez en face de vous, c’est l’ancienne Jérusalem, où Jésus se rendait fréquemment." Vers le Nord, juste en face c’est le mont des Oliviers, avec le jardin de Gethsémani où Jésus a prié avant son arrestation…
Vue depuis le toit-terrasse de la Maison d'Abraham : à droite, le mont des Oliviers ©RCF / Odile Riffaud
Ancien séminaire, la Maison d’Abraham a été bâtie en 1900 par des moines bénédictins français, de l’abbaye de Belloc. Ils l’ont installée sur ce que les juifs appellent le mont du Scandale - d’après le Livre des rois, dans la Bible, c’est là où "les nombreuses femmes du roi Salomon rendaient un culte à leurs différents dieux", raconte Bernard Thibaud. Destiné à accueillir "les prêtres ou les futurs prêtres syro-catholiques, qui venaient de Syrie, d’Irak ou du Liban", le séminaire a été transféré au Liban lors de la guerre israélo arabe. En 1964, Paul VI en a fait un lieu d’accueil pour tous les "enfants d’Abraham"… À l'occasion de sa programmation spéciale Carême "En chemin vers Jérusalem", RCF vous invite à découvrir ce lieu exceptionnel.
En chemin vers Jérusalem. C'est la proposition que fait RCF cette année, pour accompagner ses auditeurs au long des 40 jours qui précèdent Pâques. Les célébrations de la Semaine sainte seront retransmises en direct de l'École biblique et archéologique française de Jérusalem.
La Maison d’Abraham s’appelle ainsi "parce qu’elle est ouverte à tous les enfants d’Abraham, à la fois chrétiens, juifs, musulmans, mais aussi toute personne avec cette dimension religieuse qui veut découvrir à Jérusalem quelque chose de leur humanité". "Et vraiment le message fort qu’on veut passer, insiste Bernard Thibaud, c’est qu’elle est ouverte vraiment à tous." 50 ans après Paul VI, lors de sa visite à Jérusalem, le pape François a renouvelé la demande à Mgr Jean Rodhain, le fondateur du Secours catholique : faire de la Maison d’Abraham un lieu d’accueil inconditionnel pour les pèlerins, quelle que soit leur religion. En particulier les pèlerins qui n’ont pas les moyens de se loger à l’hôtel.
Véritable havre de paix dans une ville marquée par les tensions permanentes entre les communautés juives et palestiniennes, la Maison d’Abraham emploie notamment des Palestiniens, musulmans et chrétiens. "Nous avons aussi une vocation d’ouverture au quartier", souligne Sylvie Thibaud, qui a suivi son mari en 2019 lorsqu’il a pris la direction des lieux. Sylvie Thibaud s’engage sur le terrain avec plusieurs associations du quartier, pour venir en aide notamment aux femmes palestiniennes. "Ce qui reste vraiment très difficile à faire, confie-t-elle, et qui est pourtant quand même dans la mission de la Maison, c’est de pouvoir réunir à la fois des personnes du pays qui soient juives, palestiniennes, musulmanes et chrétiennes, en particulier dans ce quartier, c’est pratiquement impossible."
Devant l'entrée de la Maison d'Abraham, Bernard Thibaud accueille Véronique Alzieu ©RCF / Odile Riffaud
"Nous sommes la Maison d’Abraham." Pour Bernard Thibaud cela signifie œuvrer, même à petite échelle, pour que les uns et les autres arrivent à "mieux comprendre la situation du pays", "comprendre le point de vue de l’ensemble des parties". Et faire en sorte que chacun, de retour dans son pays, puisse "porter une parole" qui ne soit "pas trop clivante"…
Ce jour-là, le rabbin réformiste israélien Arik Ascherman venait à la Maison d’Abraham rencontrer un groupe de théologiens allemands. Né aux États-Unis, il a immigré en Israël en 1994 et y a fondé l’organisation israélienne Rabbins pour les droits humains. Il est notamment connu pour les actions qu’il mène en faveur des Palestiniens contre les violences des colons israéliens. "Je tiens à dire que nous sommes au bord de l’explosion ici, dit-il, le fait est que les droits de l’homme sont mis à mal par des considérations nationales." La veille, c’était Mustafa Abu Sway, qui était de passage, un notable musulman qui enseigne à l’université de Jérusalem.
Lieu de dialogue, la Maison d’Abraham est aussi un lieu où l’on vient apprécier des moments de calme. Marc s’installe ici le temps de finir au calme sa thèse de doctorat en anthropologie. "Jérusalem est un chaudron, dit-il, je pense que c’est important quand on travaille sur Jérusalem d’être plongé dans le chaudron mais à la fois c’est fatigant. La Maison d’Abraham est à la fois hors du chaudron et tout près du chaudron !" Il rappelle qu’en arabe, la colline sur laquelle elle est bâtie s’appelle "le ventre du vent" car elle est très exposée. "Ici on respire, c’est un joli nom !" Les bénévoles aussi sont charmés par les lieux. "Je ne peux que faire la promotion pour d’autre bénévoles futurs !" déclare l'une d'elles. D’ailleurs on se presse pour servir à la Maison d’Abraham. Il faut s’inscrire sur une liste d’attente. Il est conseillé de s’y prendre... un an à l’avance !
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