Arménie
Qui s’intéresse à l’Arménie ne peut ignorer la place qu'y occupe l’Église, véritable ferment de l’identité arménienne. La conversion du pays au christianisme est en effet "l’une des dates les plus importantes" de son histoire. Les Arméniens aiment entretenir la légende selon laquelle ils forment le premier État chrétien...
En septembre 2023, l'offensive militaire menée par l’Azerbaïdjan sur le Haut-Karabakh a provoqué l'exil de plus de 100.000 vers l'Arménie. Quand on évoque ce petit pays, c'est souvent, en effet souvent pour parler de ses tensions ou du génocide de 1915. L'Arménie est un pays à l'histoire mouvementée, dont "le destin depuis 2.500 ans", estime Michel Marian, est de vivre en "proximité avec des zones impériales". Philosophe d'origine arménienne, engagé dans la cause de la reconnaissance du génocide, il est l'auteur du livre "L’Arménie et les Arméniens en 100 questions - Les clés d’une survie" (éd. Tallandier) qui fait l’objet d’une réédition en 2024. Malgré cette instabilité, l'attachement à l'identité arménienne, entretenu par l'Église, reste très fort.
L’Arménie et tout l’Empire romain ont basculé en même temps dans le christianisme
Imaginez un territoire montagneux et escarpé où "la moitié de villes et des villages sont à plus de 1000 mètres d’altitude". Ce relief a permis aux Arméniens "de maintenir disons la plupart du temps non pas de l’indépendance mais de l’autonomie"… Ainsi, leur conversion au christianisme a-t-elle été "un geste pour s’extraire de la domination culturelle perse". Et pour "aller vers l’Ouest" : les Arméniens avaient "la certitude que c’était de l’Occident - de l’Occident en voie de christianisation, donc à la fois grec et chrétien – que venait le renouvellement des connaissances".
La conversion de l’Arménie au christianisme est "l’une des dates le plus importantes" de son histoire, estime Michel Marian. Le pays entretien la légende selon laquelle il est le premier État chrétien. Ce que confirme le philosophe : "C’est la première fois qu’une nation porte le souvenir d’un événement qui a été celui de la conversion de l’ensemble de la population à la suite d’épisodes légendaires très spectaculaires."
La légende dit que c’est en 303 que le roi lui-même converti a décidé de convertir avec lui l’ensemble de la nation. Si cette date a été retenue, c’est pour "marquer une précédence par rapport à l’Empire romain". Selon les historiens, "l’Arménie et tout l’Empire romain ont basculé en même temps dans le christianisme".
Qui s’intéresse à l’Arménie ne peut ignorer le rôle de l’Église, véritable ferment de l’identité arménienne. Un rôle "très important", confirme Michel Marian puisque depuis 387, l’Arménie n’a "presque pas" connu "d’épisodes d’indépendance proprement dite". Dans ce contexte, c’est à l’Église qu’elle doit ce "sentiment très fort d’identité collective".
Toute la stratégie de l’Église en Arménie a été de garder "une certaine distance avec les autres chrétiens" et notamment l’Église de Rome. Une "façon de monter aux Perses que le dialogue était possible à condition qu’on ne lui demande pas de se trahir et d’abandonner sa foi chrétienne" et que "sa fidélité au christianisme ne signifiait pas obéissance à Rome".
D’où le statut de l’Église apostolique arménienne d’aujourd’hui, distincte des autres communautés chrétiennes. "L’Église arménienne ne dépend de personne", confirme Michel Marian. Elle est proche, "du point de vue du dogme", avec les Coptes, les Syriaques et les Éthiopiens.
Les violences qui ont conduit au génocide de 1915 ont poussé un certain nombre d’Arméniens à quitter leur pays. Une partie du peuple arménien vit en diaspora encore aujourd’hui. "Elle représente à peu près les deux tiers de la population arménienne dans le monde." Ce que l ‘on appelle la grande diaspora a conduit les Arméniens "vers le Moyen-Orient et le notamment le Liban, vers l’Europe occidentale et notamment la France, vers l’Amérique et notamment les États-Unis". Fidèles à leur foi chrétienne, un certain nombre d'Arméniens installés au Moyen-Orient ont de nouveau fui les persécutions, cette fois contre les chrétiens d’Orient…
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