Aujourd'hui Valérie de Marhnac s'attarde sur la Palme d'Or du Festival de Cannes : Anora, un film de Sean Baker.
Cette semaine sort en salles le film qui a obtenu la Palme d’or à Cannes cette année. Il s’agit de ANORA de Sean Baker. Une récompense bien méritée ! D’abord parce qu’elle consacre un réalisateur mal connu de ce côté de l’Atlantique et pourtant emblématique du cinéma indépendant américain. Et parce que son cinéma s’est toujours intéressé aux laissés-pour-compte du rêve américain, avec des personnages en marge de la société, qu’il nous fait aimer et qu’il ne juge jamais. Qu’ils soient pauvres ou « travailleurs du sexe » comme il tient à les nommer, tous se battent pour garder leur dignité et il porte sur eux un regard plein d’humanité.
Son surnom à elle, c’est Ani, et dans la première scène quasi documentaire, on voit ces filles danser lascivement le long des barres, sur les podiums, et les hommes leur glisser des billets ostensiblement et vulgairement. On lui présente un jeune homme dont elle parle la langue, c’est un fils d’oligarque russe, aussi riche qu’immature et inexpérimenté. Ce qui la change de ses clients habituels ! Le film commence comme un conte de fée dont la suite va déjouer toutes nos attentes.
Sean Baker joue en permanence avec les codes du cinéma. On passe de la comédie romantique au film policier burlesque, quand les gardes du corps envoyés par le père furieux débarquent. Véritable feu d’artifice, les scènes s’enchaînent dans un vertige de séquences ultra-courtes, montées à une vitesse frénétique jusqu’à une tentative de séquestration hilarante. Mais ce n’est pas là que Sean Baker est le plus magistral, même s’il maitrise parfaitement son sujet !
Une amie me faisait remarquer que le monde du cinéma avait bien changé depuis Pretty Woman. Et effectivement, je crois qu’on peut s’en réjouir ! Anora c’est un film à double fond, qui interroge notre monde occidental de nantis. Derrière l’effet comique de ces scènes d’hystérie, qui illustrent la fascination pour l’argent, les plaisirs, le sexe, transparait toute l’ambivalence de la relation entre Ani et Vanya. Elle, avec une certaine naïveté, pense avoir trouvé l’ascenseur social qui lui apportera confort et stabilité. Quand Vanya tourne en rond dans le dédale des rues de la côte Est des Etats-Unis.
Un mot sur la photographie magnifique du film. Il a tourné en 35mm, pour retrouver toute l'élégance du cinéma des années 1970. Le résultat est un vrai régal. Il alterne le luxe dépouillé de l’univers des ultra riches, avec les couleurs chaudes et clinquantes de Las Vegas et le gris givré d’un hiver froid.
La dernière scène est renversante. Grâce au regard d’un homme respectueux posé enfin sur elle, Ani devient Anora. D’objet, elle devient sujet. Et pour la première fois, une émotion vraie, profonde et entière déferle sur son visage. Une sorte d’épiphanie que le réalisateur a en réalité pris soin de dévoiler tout au long du film, si on y est attentif. C’est donc un film à voir et à revoir !
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