LE FILM DE LA SEMAINE - Cette semaine nous partons en Italie, et même plus précisement en Sicile, dans les années 60, avec un film qui revient sur un fait divers qui a marque l’histoire du pays. Primadonna de Marta Savina nous parle du combat d’une femme pour la reconnaissance de sa dignité et de sa liberté.
Saviez-vous qu’en Italie une loi a existé jusqu’en 1981 qui permettait d’annuler une condamnation pour viol si le criminel épousait sa victime, même mineure !? C’était la loi dite du « mariage réparateur », elle était censée « sauver l’honneur » du violeur et de la jeune fille, vue comme autant coupable que l’agresseur aux yeux de la société.
Pour échapper à cette double-peine, une jeune femme s’est opposée à cette loi inique en refusant d’épouser son agresseur et en portant l’affaire devant les tribunaux. Elle s’appelait Franca Viola, elle est aujourd’hui mère et grand-mère. Elle a 76 ans et le film est inspiré de son histoire.
L’héroïne s’appelle ici Lia. C’est une jeune fille de caractère qui sait ce qu’elle veut. Au début, elle n’est pas insensible au charme du jeune Lorenzo mais assez rapidement, elle se rend compte de son côté rustre et dominateur et met fin à leur relation. Ce qui déclenchera la colère de Lorenzo puis l’enlèvement et le crime, organisés avec ses complices. Il pense ainsi pouvoir l’épouser de force.
S’ajoute une dimension sociale puisqu’elle est fille de paysans quand lui fait partie des petits potentats locaux, proches de la mafia. Le film égratigne tous les pouvoirs en place y compris l’Eglise avec une figure de prêtre pas très soucieux de ses brebis les plus fragiles.
Plus qu’une critique historique, Marta Savina a voulu relever la résonnance qu’avait ce drame avec des thèmes plus contemporains. Marta Savina est jeune (36 ans). Son propre grand-père est originaire de Sicile. Elle a été frappée par l’actualité de certains thèmes comme celui du consentement, de l’écoute de la parole des victimes.
Elle dresse un magnifique portrait de femme, douce mais déterminée et courageuse, soutenue jusqu’au bout par sa famille face à la peur et à la honte du déshonneur.
C’est un premier long métrage et il est distribué dans peu de salles en France mais l’histoire avait déjà été adaptée au cinéma. Il existe un autre film tiré de l’histoire de Franca Viola, daté de 1970. Il s’intitule « Seule contre la mafia », avec Ornella Muti. C’est le film qui l’a fait connaitre, c’est son 1er rôle au cinéma, elle avait alors 15 ans, l’âge de l’héroïne. En 1970, l’Italie était alors en plein milieu des « Années de plomb » et le réalisateur Damiani en a fait une version beaucoup plus politique, sur la violence et la corruption de la mafia sicilienne qui contrôlait tout dans les villages.
Guettez-le sur vos écrans. Il a fait l’objet d’une restauration et d’une ressortie en salles récente, dans une très belle rétrospective de Carlotta films sur le cinéma italien des années 60-70, avec d’autres films plus légers de De Sica ou Manfredi.
C’est un premier film, un peu scolaire et à la mise en scène assez académique. Il éclaire un passé proche de nous et permet de mesurer le chemin parcouru depuis cette époque. Et c’est aussi l’occasion de dénoncer cette loi qui existe encore dans une vingtaine de pays dans le monde selon un rapport récent des Nations unies. Et dans d’autres, cette coutume -on peut dire- reste appliquée par tradition malgré l’abrogation de la loi.
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