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Le livre de la semaine : Malestroit, de Jean de Saint-Chéron

Un article rédigé par Christophe Mory - RCF, le 14 janvier 2025 - Modifié le 17 janvier 2025
L'Actualité littéraireLe livre de la semaine : Malestroit, de Jean de Saint-Chéron (Grasset)

LE LIVRE DE LA SEMAINE - "Jean de Saint-Chéron restaure une figure extraordinaire et controversée" écrit l'académicien Jean-Christophe Rufin. Le jeune auteur s'attarde dans son nouveau livre sur le portrait de la sœur Yvonne Beauvais, la religieuse qui a vécu la Passion du Christ.

Maltestroit, le nouveau livre de Jean de Saint-ChéronMaltestroit, le nouveau livre de Jean de Saint-Chéron

Le titre semble énigmatique pour qui, comme moi, ne connaît pas ce monastère breton nu l’histoire d’Yvonne Beauvais qui en fut la Supérieure jusqu’à son trépas en 1951 ; elle avait quarante-neuf ans.  Jean de Saint-Chéron nous y emmène, c’est à deux heures de route de la maison de ses beaux-parents. L’idée est de raconter pour comprendre. Faut-il laisser le merveilleux religieux aux temps anciens, à la Légende dorée de Jacques de Voragine, et le refuser aux XX ème puis au XXIème siècle ? « La tradition mystique chrétienne met en garde depuis mille ans contre la confusion du paranormal qui nous fascine et du surnaturel qui vient de Dieu », prévient l’auteur. C’est bien la mystique chrétienne qui est au cœur du livre, plus qu’un sujet, c’est un enjeu. 

Un portrait, celui de Yvonne Beauvais

Née en 1901, orpheline de père, elle passe sa petite enfance chez ses grands-parents puis suivra sa mère, institutrice puis directrice d’école. Très vite, elle est fascinée par les écrits de sainte Thérèse de Lisieux. C’est une grosse fille joufflue, essoufflée, abîmée par une mauvaise santé et des problèmes de reins. Mais elle consacre sa vie aux pauvres de la Couronne rouge, allant dans les bidonvilles de Nanterre pour apporter de la joie et ce qu’elle trouve pour aider. Il lui faut de l’argent, alors elle donne des concerts mondains, vend des images qu’elle peint, écrit des livres sous pseudonyme, fait des ménages. Et secrètement, elle vit la passion du Christ à travers les stigmates ; elle voit la Crucifixion, se bat contre le Diable qui lui lacère le dos. Impostures ? Hystéries ? Diableries ? Dans les temps anciens, elle aurait été convaincue de sorcellerie et aurait finie brûlée vive « pour avoir échappé à l’ordre des hommes ». On lui présente des fiancés ? Elle aime en secret un certain Robert, étudiant en médecine. A bout, elle va se reposer dans une clinique de Bretagne tenue par des Augustiniennes, à Malestroit. C’est là qu’elle trouve sa vocation. Or, « Tout ce qui peut être suspecté de dolorisme, cette exaltation de la douleur et de sa supposée valeur morale, est tenu à distance par la modernité », souligne Jean de Saint-Chéron. 

Les manifestations surnaturelles se multiplient : des fleurs poussent autour d’elle, un Lys sort de son côté, les stigmates reviennent mais aussi des temps de bi localisation. Alors oui, elle en parle à son confesseur qui l’envoie auprès du père Trégard, jésuite, recteur du Collège de la rue Franklin, reconnu comme un expert en discernement. Il est catégorique : « Tu es faite pour le mariage ». Un autre jésuite, le père Crété, recteur du Collège de Vannes, l’encourage au contraire dans la vie religieuse. Qui croire ? En 1923, Mgr Gouraud, l’évêque, lui interdit toute relation avec le monastère : on la prend pour une faussaire, une hystérique. Le père Crété est désavoué. On recourt à l’exorciste de Paris, le père Joseph de Tonguédec qui « a la faiblesse de croire en l’existence du diable », écrit Saint-Chéron. 

Yvonne consigne par écrit ce qui lui arrive. « La lecture des carnets d’Yvonne est une expérience dont on sort essoré et hagard », avoue l’auteur. 

Jusqu’à la fin et au-delà, l’Église est récalcitrante. Après sa mort, en 1951, quand il s’agira d’ouvrir un procès en canonisation, Mgr Ottaviani (celui-là, je vous jure !) refuse le dossier disant : « trop de miracles : la religieuse est une névrosée fabulatrice cherchant à fasciner son entourage »

Un livre hommage

Novice à Malestroit, elle entraîne la communauté dans la bonne humeur, la prière et la modernité. Elle dépoussière la clôture, agrandit la clinique, modernise les soins, devient la Supérieure très rapidement et conduit le destin de Malestroit avec poigne et joie. Elle simplifie la règle qu’elle propose au Pape qui approuve. Pendant la Seconde Guerre mondiale, avec une intelligence exceptionnelle, elle cache des maquisards, soigne des blessés, qu’ils soient anglais, Français, Américains voire Allemands « le Bon Dieu ne fait pas de différence, lui !» et multiplie les actions pour la Résistance. Elle est arrêtée, torturée, offre sa souffrance, n’avoue rien. A la fin de la guerre, elle sera largement décorée et recevra la Légion d’honneur des mains du général de Gaulle.  Pour la petite histoire, Yvonne de Gaulle, « Tante Yvonne » gardera sur elle jusqu’à la fin une image d’Yvonne Beauvais. 

Par sa modernité et sa maturité. Saint-Chéron raconte, questionne et s’interroge. Il écrit : « J’en viens à douter de ce que j’écris, à en être embarrassé : on avait dit pas d’hagiographie. Les archives sont pourtant formelles ». J’aime cette distance. Écoutez encore : « Son héroïsme n’a pas dû être compris, quarante ans plus tard, par les monsignore en chaussettes parme qui épluchaient son dossier en songeant aux rigatoni all’amatriciana qui les attendaient après l’angelus. »

Yvonne parle du langage de la Croix. Grâce d’exception ? Uniquement si elle est ordonnée à l’amour, uniquement si elle dst une expression des l’amour. « Ce livre se lit en un souffle, écrit de main de maître qui vous prend par la main à la rencontre de cette religieuse au corps de forteresse et à la joie fondatrice. Une réussite même i Yvonne « voulant nous rassurer, nous ne comprenons pas ses réponses ou à peine »

Émission L'Actualité littéraire © RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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