Christophe Henning revient pour parler de l’actualité littéraire en partenariat avec le quotidien La Croix. Aujourd’hui, il nous proposez de lire Vivre tout bas, de Jeanne Benameur, paru chez Actes Sud, un livre qui offre un regard nouveau sur la Vierge Marie
Si je vous dis « femme, voici ton fils… », la scène vous apparait tout de suite, j’en suis certain. Marie, au pied de la croix est confiée au disciple Jean. Et lui la reconnait comme mère. Qu’est-ce que pouvait signifier cette filiation par la parole ? On n’en sait pas grand-chose. On prête volontiers une vie teintée de merveilleux pour Marie, une mission à remplir pour celui qui écrit un évangile, puis l’Apocalypse… Dans le roman de Jeanne Benameur, des personnages bien plus ordinaires, effacés, mais des êtres libres et vivants. Ils sont en bord de mer, souvent solitaires, confrontés aux éléments et au passé. Mais il reste un avenir : « l’effacement est après tout une promesse, légère, comme le sable lancé par-dessus son épaule. »
Pas du tout. La littérature se saisit parfois et souvent avec bonheur, des figures religieuses. Quand Jeanne Benameur raconte la vie de Marie, c’est pour parler d’une femme qui cherche à s’épanouir, à reprendre pied : « c’est une femme farouche qui vit ici. Douce et farouche. » Elle n’oublie pas le passé, mais veut vivre : « Maintenant on ne lui enlèvera plus rien ni personne. Tout a eu lieu. » Alors Jeanne Benameur imagine la femme en train d’écrire, parce que « avec l’écriture elle avait un moyen silencieux d’exister. » Quant à Jean, « Il n’a pas de filet. Pêcheurs d’homme c’est autre chose. Il faut y aller avec tout son être et les mains vides. » Ils prennent part à la vie du village, elle accompagne une gamine, qui apprend à écrire dans le sable. Il y a une infinie douceur dans le livre de Jeanne Benameur. Peut-être est-ce le fruit de la grande douleur traversée. C’est aussi la fragilité de la vie, cette respiration qu’insuffle la romancière à ses personnages. D’une écriture retenue, intime, elle laisse éclore un destin : « Il faudra œuvrer encore pour que chacun entende qu’il doit veiller. N’importe où et n’importe quand dans le monde. Que chacun protège celui qui est près de lui et plus loin encore ceux qui ont besoin d’aide. C’est comme cela que les humains peuvent vivre et continuer. Il n’y a pas d’autre route. »
Cette manière de faire vivre Marie pourra surprendre ou même déstabiliser. Elle peut aussi conduire à la méditation, elle rappelle que la foi chrétienne est d’abord foi en l’incarnation, sans autre ambition : « Elle ne bâtira pas d’église, elle ne portera aucune parole divine. C’est la parole humaine qu’elle essaiera d’entendre, cette parole qui n’est parfois plus qu’un murmure. » Ce texte magnifiquement écrit est pour tous, croyants ou non. Encore une fois, ce n’est pas un livre pieux, mais un texte traversé d’un souffle, celui de croire en la vie, en une vie toujours possible, en dépit des épreuves. C’est ce que découvrent Jean et Marie, sur leur île, au plus proche des hommes et de la terre. Persuadés que « La souffrance n’empêche pas la joie de faire son chemin. »
Chaque jeudi à 8h44, Christophe Henning (La Croix) et Christophe Mory (RCF et Radio Notre-Dame) présentent le livre de la semaine.
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