Liège
Au siècle dit des Lumières, c’est surtout dans le domaine des arts décoratifs que les artistes et artisans du pays de Liège ont excellé. Les menuisiers et sculpteurs liégeois ont acquis une renommée internationale que nous évoquons avec le meilleur spécialiste du sujet, M. Pierre Bernard, attaché à la Direction du Patrimoine culturel de la Région de Bruxelles-Capitale, dont l’Institut archéologique liégeois a édité en 2000 un gros volume d’étude technique et stylistique sur le mobilier liégeois du XVIIIe siècle.
Au XVIIIe siècle, les menuisiers et les sculpteurs appartenaient, à Liège, à une même corporation : le bon métier des charpentiers. Ce qui n’est pas allé sans heurts, les sculpteurs supportant de moins en moins d’être considérés comme des artisans et d’être obligés de requérir l’aval d’autres travailleurs du bois, incapables de les juger adéquatement, pour être autorisé à exercer leur profession. Les collaborations étaient pourtant indispensables, car les plus beaux meubles de menuiserie étaient issus de la collaboration entre un menuisier et un sculpteur, la répartition des rôles s’avérant très stricte.
Les meubles locaux les plus prisés étaient les différents types d’armoires : garde-robes, buffets à un ou deux corps, caisses d’horloge, commodes, scribans et bibliothèques. Le bois utilisé était presque toujours du chêne clair, qui était ensuite verni (et non teinté). Le frêne pouvait être utilisé pour les sièges et le tilleul pour les tables et consoles. Les formes sont généralement simples, les meubles liégeois ne sont pas massifs. Même s’ils suivent souvent la mode parisienne, ils sont généralement conçus au départ de mesures locales, à savoir le pied de saint Hubert (de 29,47 cm). Jusqu’au début du XVIIIe siècle, les décors sculptés ont été réalisés au départ de morceaux de bois collés puis entaillés. À l’époque rococo, les décors appliqués disparaissent au profit du décor à plein bois, les décors de ce temps ne nécessitant qu’un faible relief.
Au cours du XVIIIe siècle, les meubles liégeois montrent des inflexions stylistiques qui les ancrent dans l’évolution des styles du temps. On note d’abord un sobre style baroque tempéré (ca 1700-ca 1715), avec des motifs d’espagnolettes, de lambrequins, de fleurettes, de feuilles d’acanthe, etc. Il est suivi d’un style plus classique et plus léger, correspondant au second style Louis XIV, avec une influence du style dit à la Bérain (ca 1715-ca 1730). Vient ensuite le rococo naissant, parfois dit à tort « Régence liégeois » (ca 1730-ca 1740), avec la timide apparition des premières coquilles déchiquetées qu’on appelle rocailles et qui ont donné son nom au style. De 1740 à 1760 environ, c’est le rococo épanoui, que certains dénomment style Louis XV et qui, à Liège, pourrait s’appeler style Jean-Théodore de Bavière. L’architecture des meubles offre maints pans coupés avec des courbes et contre-courbes. Y dominent les décors symétriques en miroir puis asymétriques dans lesquels les rocailles prolifèrent désormais. Ces effets vont se raréfier durant la phase dite de rococo assagi (ca 1760-ca 1780), avant de conduire au retour à l’ordre et aux « beautés mâles et réfléchies » du néo-classicisme, parfois dit style Louis XVI (à partir des environs de 1780). Les formes issues des phases rococo s’enracinent, mais avec des décors plus sévères dans lesquels on trouve force rosaces, perles, feuilles d’eau, denticules, cannelures, torsades, rubans, lauriers, trophées allégés et autres motifs d’inspiration antique.
Découvrez encore plus de "leçons" d'histoire de l'art liégeois par Pierre-Yves Kairis dans son émission "D'art et d'histoire de Liège" sur RCF Liège.
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