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Le mot de la semaine : un "portefeuille" ou un "maroquin" pour "ministre"

Un article rédigé par Jean Pruvost - RCF, le 16 septembre 2024 - Modifié le 17 septembre 2024
Le mot de la semaineLe mot de la semaine : un "portefeuille" ou un "marocain" pour un "ministre", par Jean Pruvost

Alors que l'on attend toujours la nomination d'un nouveau gouvernement par Michel Barnier, Jean Pruvost a choisi cette semaine de s'intéresser aux mots "portefeuille" et "maroquin", souvent associés à celui de "ministre".

Jean Pruvost © Pascal HausherrJean Pruvost © Pascal Hausherr

Politiquement, être « ministre » c’est très important, mais étymologiquement, comme vous le savez, c’est vraiment « minime », presque rien en fait, « minuscule », l’origine en étant le latin « minister » qui s’apparente à la notion de « petitesse », qu’on retrouve dans le radical « mini » aujourd’hui bien installé : le « minibus », la « minijupe », etc.

Etymologiquement, le minister est tout en bas de l'échelle

Avouons d’emblée d’ailleurs que si, avec la « minijupe », on se situe dans l’habit « minimal », du côté des ministres le vêtement a pris de l’ampleur. En fait pour les Romains, « minister » s’opposait à « magister », et on distinguait, d’une part, le tout petit, le serviteur, le « minister » tout en bas de l’échelle et, d’autre part, le grand, le maître, le « magister », tout en haut. Cette hiérarchie avait aussi valeur dans le domaine religieux où le « minister » désignait le serviteur du dieu Romain d’où, dans cette filiation, dès 1174, le « ministre », alors attesté en tant que personne au service de Dieu, ayant la charge du culte, agissant au nom de Dieu ou du Christ. Enfin, en 1527 au moment de la Réforme, le « ministre de l’évangile » désignera aussi la personne officiant dans le culte protestant. On comprend vite alors que le « serviteur », en se faisant l’interprète des décisions les plus hautes ne pouvait que prendre du galon, auprès d’un roi.

La fonction politique du "ministre"

La fonction politique est déjà implicite chez les Romains, mais en tant que « serviteur », sans plus, alors que dès le XII e siècle est déjà dit ministre celui qui est au service du roi, qui le conseille, mais ce n’est pas encore le « ministre d’État » qui n’apparaîtra qu’au XVII e siècle. Cependant, au XVIe siècle restent encore en usage des mots qui ont depuis disparu. Par exemple, en 1606, on peut lire dans le Thrésor de la langue française qu’il convient de bien « ministrer », ou même « ministériser ». Il est évidemment peu probable que notre actuel premier ministre dise à chaque personne choisie : « Je compte sur vous pour bien ministrer, je vous prie de bien ministériser »… Autre mot disparu : les « ministraux » que signale encore Littré, et qui signalait ceux qui était partisans du « ministère » : « « La reine voudra que je lui promette de ne pas pousser les ministraux », s’exclame en 1677 le cardinal de Retz dans ses Mémoires.

Les synonymes « portefeuille » et « maroquin » apparaissent plus tard

C'est en 1749 qu’est apparu le mot « portefeuille », en tant que titre ministériel, par exemple, obtenir le portefeuille de l’Intérieur, ou celui des Finances, ce qui est là presque un pléonasme… Quant au mot « maroquin », de même sens, il est apparu en 1901, avec cette même image du grand cartable, du grand portefeuille qu’on tenait sous le bras, ici en peau de chèvre pour le « maroquin », un cuir ainsi travaillé au Maroc. Et comme les auteurs de mots croisés sont par définition délicieusement impertinents, comment font-ils deviner le mot « ministre » ? En proposant cette définition pleine de méfiance : « A peur qu’on lui vole son portefeuille »… Pas le premier jour tout de même !

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