Liège
Ce chef-d’œuvre du patrimoine artistique du XVIe siècle conserve bien des mystères, tant sur ses auteurs que sur son lieu de réalisation, sur sa date ou sur ses commanditaires. La séquence fait le point sur les dernières découvertes et hypothèses relatives à ces questions et sur les apports de la récente restauration approfondie effectuée à l’Institut royal du Patrimoine artistique à Bruxelles.
La restauration du retable de l’église Saint-Denis à l’IRPA entre 2012 et 2014 a permis, grâce à des collaborations interdisciplinaires, d’approfondir les connaissances sur ce témoin exceptionnel de la vaste production des retables brabançons dans la première moitié du XVIe siècle.
Quoique cette pièce ne porte curieusement aucune marque d’origine, tous les spécialistes s’accordent à y reconnaître une œuvre créée à Bruxelles, à tout le moins pour les sculptures tout à fait gothiques de la partie supérieure, appelée la huche. La comparaison avec le retable stylistiquement très proche de l’église de Güstrow, signé de l’atelier bruxellois des Borman, est édifiante à cet égard. Les membres de la famille Borman furent les sculpteurs les plus brillants, et les plus productifs, recensés à Bruxelles aux XVe et XVIe siècles. Les spécialistes sont en revanche plus divisés sur l’attribution des scènes de style Renaissance qui singularisent la base du retable, dans la partie qu’on appelle la prédelle. Certains considèrent que cette partie, qui montre des scènes relatives à l’histoire de saint Denis, aurait plutôt été réalisée dans un atelier liégeois, mais d’autres y voient la marque distinctive de l’atelier Borman, capable de s’adapter à des styles différents à une même époque, soit ici au début des années 1530.
Les volets peints qui recouvraient le retable, ont, quant à eux, été réalisés à coup sûr à Liège, sous la direction de Lambert Lombard, peintre officiel du prince-évêque Érard de La Marck, mais peut-être en collaboration avec d’autres ateliers. Ils étaient constitués de quatorze panneaux peints à double face, dont la moitié seulement sont conservés. Il semble que Lambert Lombard, le grand peintre liégeois de la Renaissance, ait, par ailleurs, assuré la coordination de l’ensemble du projet, tant sculpté que peint. Les scènes sculptées de la prédelle renvoient, par exemple, à ses conceptions, notamment dans la combinaison d’éléments antiques et de sujets chrétiens.
Lambert Lombard étant également spécialisé dans la polychromie des statues, il n’est pas à exclure qu’il ait été chargé, avec ses collaborateurs, de réaliser cette polychromie partielle si spécifique au retable de Saint-Denis. En effet, les retables bruxellois sont quasiment toujours entièrement peints et dorés. Or, celui-ci ne porte qu’une polychromie partielle, la plus grande partie du bois apparaissant nu. C’est une pratique plutôt allemande, ce qui nous rappelle que la principauté de Liège faisait partie du Saint-Empire romain germanique et qu’un grand sculpteur souable spécialiste de la semi-polychromie, Daniel Mauch, travaillait justement à Liège à cette époque…
En ce qui concerne le financement de ce grand retable, on relève divers paiements dans les comptes du chapitre de la collégiale Saint-Denis, et notamment un versement à un peintre nommé Lambert, qui doit s’identifier à Lambert Lombard. Divers indices permettent par ailleurs de présumer qu’Érard de La Marck, grand mécène, ait également contribué à l’achat de cette pièce prestigieuse qui servit de maître-autel à la collégiale Saint-Denis jusqu’au milieu du XVIIIe siècle.
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