LE MOT DE LA SEMAINE - L'actualité de cette semaine est marquée par les incendies qui ravagent la région de Los Angeles. La ville est laissée en partie détruite alors que les pompiers peinent encore à maîtriser les flammes. L'occasion pour Jean Pruvost de revenir sur la longue histoire du mot "feu".
Ce qui se passe à Los Angeles est terrifiant, Los Angeles ravagé par des incendies qui font rage depuis le 7 janvier, avec un bilan humain qui ne cesse de s’alourdir, le feu gagnant du terrain sur une végétation anormalement sèche, avec plus de 150 000 personnes forcées de fuir devant les flammes détruisant leur maison, voilà qui est effrayant, et c'est l'occasion de rappeler l’histoire du mot « feu ».
Il est évidemment très ancien et vient du latin « focus », se transformant progressivement en passant en français en « fou », attesté dès le Xe siècle avec un o, avant de prendre l’orthographe actuelle dès le XIIe siècle, témoignant déjà de bien des formules dont le « feu ardent » et le « feu de paille », par exemple. Avec la première édition du Dictionnaire de l’Académie française, on bénéficie déjà d’un large relevé des usage de ce mot, tantôt bienfaisant tantôt dévastateur. En 1694, la définition en est datée : « celuy des quatre éléments qui est chaud & sec », par rapport à l’eau, l’air et la terre. Et, dès le premier paragraphe, on bénéficie d’une liste impressionnante des usages en cours dont je ne vais donner que les premières lignes : « Feu élémentaire, ardent, dévorant, consumant, feu clair, aspre, estouffé, bon feu, mauvais, feu de reculée, feu à rostir un bœuf, feu de charbon, de gros bois de tourbe, de paille. ». Et quelques lignes plus loin viennent le feu qui « a gagné le toit, la ville estoit toute en feu, crier au feu… » Sans oublier l’effrayante formule « condamner au feu pour dire, condamner à estre bruslé ». Il va sans dire que dans la neuvième édition du Dictionnaire de l’Académie, les informations sont grandement renouvelée.
On lira par exemple dans la neuvième édition cet exemple : « Selon les mythes antiques, le feu, d’origine divine, avait été dérobé aux dieux par Prométhée », et un peu plus loin, modernisme oblige, « la mise à feu des moteurs d’une fusée ». Mais aussi dans le cadre de la religion chrétienne, le « feu nouveau, qu’on allume et qu’on bénit au début de la vigile pascale ». On me demande souvent aussi d’où vient l’usage du mot « feu », désignant une personne qui s’est « éteinte », ce qui peut paraître paradoxal… En fait, ce « feu » qui précède le nom d’une personne, décédée en principe depuis peu, n’a aucun rapport avec le feu qui brûle. Il s’agit de la déformation du latin « fatutus », signifiant qui a accompli son destin, en latin son « fatum », mot qui préfixé avait donné le français « malfeüz » au XIe siècle, signifiant ayant accompli sa destinée, abrégé en « feu », avec un e si feu précède une dame, la « feue » reine…
Il vient du latin « incendere », allumer, construit à partir du latin « candere », faire brûler, qu’on retrouve dans « candélabre », et « chandelle ». Et pour revenir au feu, consultons nos amis verbicrucistes avec leurs définitions propres à nous faire deviner le mot. Que nous proposent-ils ? « On le préfère vert », oui on préfère en effet le « feu vert » qui redonne le départ de la vie, avec un climat bienfaisant, qui offre le « vert tendre » d’une prairie qui n’est pas sèche, inflammable à la moindre étincelle. Et puis cette définition qui réchauffe sans brûler « ardeur du cœur », c’est un feu dont on ne se lasse pas.
Jean Pruvost, lexicologue passionné et passionnant vous entraîne chaque lundi matin dans l'histoire mouvementée d'un simple mot, le mot de la semaine !
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