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Le mot de la semaine : "fève", par Jean Pruvost

Un article rédigé par Jean Pruvost - RCF, le 6 janvier 2025 - Modifié le 6 janvier 2025
Le mot de la semaineLe mot de la semaine : "fève", par Jean Pruvost

En cette période de nouvel an, la galette des rois est toujours plus présente. Si la tradition est connue de tous, d'où vient le mot "fève" et pourquoi la présence de ce morceau de porcelaine coloré dans la galette ? Jean Pruvost nous éclaire sur la question.

Jean Pruvost © Pascal HausherrJean Pruvost © Pascal Hausherr

La fève, graine peu ordinaire

Avec l’épiphanie qui vient du grec « epiphania », signifiant l’apparition
(apparition notamment marquée par la venue des rois mages témoignant de leur adoration auprès de Jésus-Christ) s’est installée aujourd’hui la tradition de la galette des rois, une pratique gastronomique issue du monde romain avec une fève glissée dans la garniture. Le mot "fève" vient du latin "faba",  correspondant à la graine comestible contenue dans ces grosses gousses laineuses, qui font dire à Giono dans Le Grand Troupeau, en 1931, que « les champs de fèves chavirent comme pour renverser leur poids de fleurs ». Avant même d’évoquer la fève de la « galette des rois », attestée en français dès 1220 et déjà pratiquée à leur manière par les Romains, on peut rappeler un passage du Journal des Goncourt mettant en scène « Une sœur de Théo » qui parlait de « l’effet hallucinatoire, produit chez elle par les senteurs d’un champ de fèves, des rêves troubles que cela lui faisait monter au cerveau tout éveillée qu’elle était ». Audit Théo souligne alors que « la fève est la plante qui touche le plus à l’animalité. Elle se retourne dans la terre. Pythagore la considérait comme quelque chose en dehors de la végétation ordinaire, et la proscrivait comme de la viande ».
La fève, de surcroît, représente une certaine richesse. Le prénom « Fabien » en effet, signifie « cultivateur de fèves », une activité à l’origine de la fortune d’une très riche famille romaine, les « Fabius ». La fève fut aussi plus tard reconnue par le gastronome Brillat-Savarin évoquant « Les petites fèves des marais, qu’on appelle fèves anglaises, quand elles sont encore vertes », « c’est un manger des dieux », affirmait-t-il en 1825 dans la Physiologie du goût.
Quelques proverbes oubliés, témoignent par ailleurs de la réputation des fèves. Ainsi disait-on au Moyen Âge qu’il faut savoir « donner un pois pour avoir une fève », c’est-à-dire faire un petit cadeau pour en recevoir un bien plus grand. Et bien sûr était déjà en vigueur, « trouver la fève au gâteau », c’était faire une belle découverte, ou trouver la solution à un problème.

De la fève comestible à la porcelaine


En ce qui concerne la fève en porcelaine, l’usage en est venu d’Allemagne vers 1870. Maupassant, dans Mlle Perle, raconte ainsi
une petite cérémonie des rois où, « au dessert, on apporta le gâteau des rois. Or chaque année, M. Chantal était roi […] et proclamait reine Mme Chantal ». Mais voici que le narrateur sent « dans une bouchée de brioche quelque chose de très dur […] une petite poupée
de porcelaine, pas plus grosse qu’un haricot ». Eh bien c’eut été le bon moment pour regretter le délice de la légumineuse en citant Fénelon racontant que Pythagore poursuivi par les Crotoniates, « rencontra sur son chemin un champ de fèves qu’il fallait traverser ». Or Pythagore ne put s’y résoudre : « Il vaut mieux mourir, s’écria-t-il, que de faire périr toutes ces pauvres fèves. » Alors, commençons l’année de manière assurément chrétienne, avec un sourire pythagorique aux lèvres en devenant reine ou roi de la pleine générosité chrétienne ! En offrant par exemple des fèves sonnantes et trébuchantes aux pauvres…

©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Le mot de la semaine
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