On lui doit les thèmes de "Zorba le Grec", de "Z" chez Costa-Gavras ou encore de "Serpico", chez Sidney Lumet. Mikis Theodorakis était grand, et pas seulement parce qu'il mesurait 1,95 m ! Le compositeur grec, disparu le 2 septembre 2021, avait écrit un nombre impressionnant d’œuvres musicales en tous genres. C'est simple, on le surnommait l'homme aux mille mélodies. Il aura en tout cas porté haut les couleurs de son pays dans le monde entier et fait connaître la culture et la musique grecques pendant près de soixante ans.
Anthony Quinn, Alan Bates et Irène Papas sous le soleil de la Crète et la caméra de Michael Cacoyannis en 1964. Onze ans après sa première expérience au cinéma chez sa compatriote Maria Plytá, Mikis Theodorákis connaît la consécration internationale avec la musique de "Zorba le Grec" et sa fameuse danse finale, un sirtaki échevelé, inspiré des danses traditionnelles crétoises. Une danse qui fut inventée de toute pièce à l'époque et dont la renommée n'est plus à faire. Elle est accompagnée par le bouzouki, la mandoline traditionnelle grecque dont le tempo va crescendo, de lent à échevelé, donnant une irrépressible envie de danser et distillant une joie communicative. Mikis Theodorákis est alors âgé de 39 ans lorsqu'il compose la musique de "Zorba le Grec". Michael Cacoyannis va faire appel à nouveau à lui, trois ans plus tard, pour une production anglo-grec avec au casting Candice Bergen et Tom Courtenay.
Passé par le conservatoire de Paris, médaille d'or au festival de Moscou en 1957, présidé par Dimitri Chostakovitch, Theodorákis a déjà composé de nombreuses oeuvres, quatre ballets, d'innombrables partitions de musique de chambre lorsqu'il compose à peu près à la même période la musique de "Z", autre immense succès de son répertoire. On dirait le titre "O Andonis", tout droit sorti d’un western spaghetti où monte crescendo la tension, soutenue par les cordes puis les trompettes, un grand thème pour un grand film, composé par Mikis Theodorákis, dont il est essentiel de connaître l’engagement politique pour bien comprendre l’œuvre, lui qui fut en effet député au parlement grec dans les années 60 puis 80, et même ministre dans les années 90. Un engagement très fort chez ce résistant durant la guerre et militant communiste, emprisonné à plusieurs reprises et torturé qui n'aura eu de cesse de combattre toute forme de dictature et notamment la dictature militaire dans son pays dans les années 70. Un sujet qui sert de trame à "Z", le film de Costa-Gavras qui sort sur les écrans en 1969 et qui dépeint les mécanismes d'une machination judiciaire et d'un complot ourdi par l'Etat pour éliminer un opposant politique. Jean-Louis Trintignant, dans le rôle d'un juge intègre, et Yves Montand dans celui de l'opposant, jouent une partition magistrale. A noter aussi la présence, comme dans "Zorba" d'Irene Papas, qui tient le rôle de l'épouse d'Yves Montand dans ce très grand thriller à la distribution prestigieuse.
Je suis plus fort que vous parce que le temps use les tanks, tandis qu'il renforce les chansons
D'oratorio en symphonie, d'hymne en opéra, Mikis Theodorákis s'est évertué tout au long de sa vie à faire connaître la culture populaire grecque, la poésie et la tragédie à l'image de cet extrait tiré de "Phedre", réalisé par Jules Dassin et positionné dans la filmographie de ce dernier entre "Jamais le dimanche" et "Topkapi". "Phaedra" dans son titre original réunit Melina Mercouri, Anthony Perkins et Raf Vallone revisitant la tragédie d'Euripide, accompagné de ce très beau thème.
Le thème de "Serpico" et son tempo lent et plaintif sonne à la fois comme une balade nostalgique et désenchantée merveilleuse. Sidney Lumet entame sans encore le savoir en 1973 le premier volet de sa tétralogie consacrée à la corruption de la police new-yorkaise qui sera suivie notamment du "Prince de New York" en 1981, et dans les années 90 de "Contre-enquête " et "Dans l'ombre de Manhattan". Dans "Serpico", Al Pacino décroche l'un de ses rôles les plus convaincants de sa carrière dans la peau d'un policier intègre infiltré au milieu des trafiquants.
Bien que sa musique soit très influencée par ses racines grecques, sa discographie prouve que Theodorakis pouvait également s’adapter à une commande et à un genre particulier. « C'est dans les oeuvres spirituelles de l'homme que j'ai fini par trouver l'harmonie. C'est la musique qui reflète directement l'harmonie de l'homme", se plaisait à dire Mikis Theodorákis, qui racontait comment la "Neuvième", de Beethoven avait changé sa vie et comment il avait essayé toute sa vie de marier musique populaire et musique symphonique.
Autre exemple de cette diversité et de son caractère protéiforme avec "Tupamaros", interprété par le groupe folklorique Los Calchakis et tiré du film "Ētat de siège", de Costa-Gavras en 1972. Un film avec Yves Montand, acteur fétiche de Costa-Gavras, dans le rôle d'un haut fonctionnaire, enlevé par des révolutionnaires en Amérique latine. Musicien polymorphe, Mikis Theodorákis avait composé aussi bien des oeuvres de musique symphonique et de chambre, que des cantates et oratorios, ou encore des opéras mais avait aussi beaucoup travaillé pour le théâtre et la chanson et le cinéma.
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