La Fondation Vuitton à Paris consacre actuellement une très belle rétrospective à Simon Hantaï. C'est de lui dont je vais vous parler après Eugène Leroy. Les deux hommes ont en commun d’avoir développé une technique picturale qui n’appartenait qu’à eux.
Pour Eugène Leroy, une accumulation de peinture sur la toile. Pour Simon Hantaï, au contraire, un très grand dépouillement, où les motifs naissent d’effets de pliage et de dépliage de la toile. L’inspiration de ce procédé, Simon Hantaï la situait dans un souvenir d’enfance : les plis très soignés du tablier de sa mère, dans le village de Hongrie où il est né en 1922.
Hantaï a quitté son pays d’origine au lendemain de la seconde guerre mondiale pour venir s’installer en France où il a vécu jusqu’à sa mort en 2008. Il a appartenu au mouvement surréaliste avant de se diriger vers la peinture abstraite à la fin des années 1950. Un tel choix aurait pu s’expliquer uniquement par la mode de l’époque. Il relevait en réalité d’une quête spirituelle très profonde.
Simon Hantaï est né dans une famille catholique et la foi a tenu une grande place tout au long de sa vie. Il faut ici parler d’un tableau tout à fait fascinant qui a marqué le basculement de son travail vers l’abstraction. C’est un très grand format, 3,30 m x 4,25 m, intitulé Écriture Rose. C’est bien une tonalité rose qui domine le tableau mais, en s’approchant, on découvre que cette teinte est issue de la superposition d’écritures en pattes de mouche de différentes couleurs.
Pendant toute l’année liturgique 1958-1959, Hantaï est allé à la messe quotidiennement et recopiait ensuite sur la toile des extraits des lectures du jour en utilisant un stylo de la couleur du temps liturgique : vert, rouge, violet, le blanc étant remplacé par du noir.
C’était là son travail du matin. Il consacrait l’après-midi à une autre toile de format comparable, aux couleurs sombres dont émerge une très grande croix. Elle s’inspire, elle des mosaïques de Ravenne, en Italie. Les deux tableaux sont accrochés face à face à la Fondation Vuitton.
Il disait rechercher, je cite, "le rien où commencent les choses". Simon Hantaï a travaillé dans un dépouillement de plus en plus grand. À partir de 1960, il a exploré différentes techniques de pliage. Une fois la toile blanche pliée, il la peignait dans des couleurs vives. Au moment du dépliage des zones demeurées blanches se révélaient. Il en résulte des tableaux incroyablement lumineux qui évoquent des vitraux. Hantaï a travaillé sur deux projets dans ce domaine, dont un pour la cathédrale de Nevers. Malheureusement ils n’ont pas abouti.
En 1982, à l’âge de 60 ans, Simon Hantaï a décidé de se retirer de toute activité publique. Il s’en expliquait ainsi dans un entretien donné La Croix : "Le succès, la richesse qui arrivaient enfin me sont apparus comme une sale blague". Le peintre a cependant continué à travailler dans le secret de son atelier. Un grand intérêt de l’exposition de la Fondation Vuitton est de présenter cette part de son œuvre jusqu’ici inconnue.
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