Avec son épouse Mariam, il s'était fait connaitre en 2004 avec son célèbre "Dimanche à Bamako". Le chanteur malien et aveugle Amadou Bagayoko s'est éteint le 4 Avril dernier. L'occasion pour Hamou Bouakkaz de revenir sur un parcours qui fait rimer cécité avec humanité ....
Extrait "Je suis venu te dire que je m'en vais" de Serge Gainsbourg, repris par Mariam et Amadou à la clôture des jeux paralympiques en septembre 2024 à Paris
Hamou, aujourd'hui, vous souhaitiez nous parler d’un duo mythique, et surtout d’un homme dont le parcours force le respect : Amadou Bagayoko qui nous a quittés le 4 Avril dernier ...
Oui, aujourd’hui je vous emmène à Bamako, au milieu des guitares et des voix qui réchauffent l’âme. Mais surtout, je vous invite à tendre l’oreille vers une vie de ténèbres… illuminée de musique.
Une vie de ténèbres ? Vous parlez du handicap d’Amadou ?
Exactement. Amadou est devenu aveugle à 16 ans. Et dans un pays comme le Mali, à cette époque, perdre la vue, c’était presque perdre la vie. Mais lui, il a trouvé sa place… sur une scène, une guitare entre les mains et une femme à ses côtés.
Mariam qui allait former avec lui le fameux duo Amadou et Mariam ?
Mariam, sa voix, sa partenaire de vie et de scène. Ensemble, ils sont devenus Amadou & Mariam, "le couple aveugle du Mali" comme on les surnomme parfois. Mais moi je préfère dire : "le couple clairvoyant de l’Afrique". Parce qu’il faut avoir une sacrée vision intérieure pour braver les préjugés, la pauvreté et les frontières.
Une belle métaphore, Hamou. Mais comment ce jeune homme non-voyant a-t-il pu, concrètement, s’élever dans le monde si concurrentiel de la musique ?
Par la foi, Vincent. Pas seulement la foi religieuse, non. La foi en lui, en son talent, en sa capacité à écouter le monde avec d’autres oreilles. Il a étudié à l’Institut des Jeunes Aveugles de Bamako. Là où certains se résignent, lui a appris la guitare, l’harmonie, et surtout… à rêver. Et vous savez ce qu’on fait des rêves au Mali, Vincent ? On les chante !
Et il les a chantés loin, ces rêves.
Oh que oui ! Des rues poussiéreuses de Bamako aux grandes scènes de Paris, de Tokyo ou de New York. Et il n’a jamais renié ses racines. Il a fusionné la musique traditionnelle malienne avec le blues, le rock, l’électro même ! Il a prouvé que la cécité n’empêche ni l’innovation, ni la vision. Il a été un pionnier, un pont entre les cultures, entre les sons du désert et les échos du monde.
On parle souvent d’inclusion, de résilience… Amadou en est une incarnation ?
Il est mieux que ça. Il est une réponse vivante à une question trop souvent posée : que peut faire un aveugle dans un monde qui valorise tant l’image ? Réponse d’Amadou : écouter. Sentir. Jouer. Aimer. Il nous rappelle que le handicap n’est pas une limite, mais une autre façon de lire le monde. Une musique intérieure.
Une belle leçon de vie ...
Une leçon qu’on fredonne, Vincent. Alors si vous croisez un jour la voix douce de Mariam ou la guitare d’Amadou, fermez les yeux. Et écoutez. Car parfois, ce n’est qu’en perdant la vue qu’on commence vraiment à voir. Bonne semaine à tous !
(Extrait de "Mariage à Bamako" 2004)
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