Certains sites touristiques français sont très populaires auprès des touristes, et attirent plusieurs milliers de visiteurs chaque jour. Mais ils sont aussi victimes d’une surfréquentation de touristes qui endommagent les sites et forcent à prendre des mesures pour limiter la fréquentation de ces lieux. Mais d’où vient cette surfréquentation de certains sites touristiques français, et comment y remédier ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Melchior Gormand.
Les Calanques de Marseille, les falaises d’Étretat, le Mont-Saint-Michel, des lieux aussi emblématiques que touristiques en France. Mais cette surfréquentation a un prix : la présence humaine, même faible, peut parfois fortement endommager le site. Pour y remédier, les professionnels du tourisme, mais aussi les touristes eux-mêmes doivent repenser leur façon de visiter des lieux, quitte à sortir des sentiers battus.
Réseaux sociaux, télévisions, séries, films : ces facteurs sont souvent la raison derrière la popularité parfois nocive de certains sites français. Souvent appelée surtourisme, cette expression ne fait pourtant pas l’unanimité : “C’est une notion un peu exagérée qui est souvent véhiculée par les médias. On préfère parler de pic de fréquentation ou de surfréquentation plutôt que d’utiliser cette notion”, explique Anne-Lise Olivier, directrice de l’association ATD (Acteur du Tourisme Durable).
Mais qu’est-ce que c’est, la surfréquentation ? Pour Soline Archambault, directrice du Réseau des Grands Sites de France, “c’est avant tout un indicateur pour faire comprendre à la population qu’un site touristique attire trop de personnes, et que cela peut finir par devenir dangereux pour l'intégrité de ce site”. Pour autant, la surfréquentation n’en reste pas moins problématique pour les sites qui en sont victimes : “C’est en effet un problème assez ponctuel, avec des villes et des sites où il y a trop de monde, mais c’est un problème qui ne dure que pendant certaines périodes de l’année, comme les vacances d’été ou encore les ponts de mai”, souligne Anne-Lise Olivier.
Parmi les 60 % de Français qui partent en vacances, près de 40 % choisissent leur destination selon leur potentiel 'instragrammable'.
Mais quand ce phénomène est-il apparu ? “Il était déjà très présent dans les années 2000, mais c’est surtout lors du déconfinement que les Français ont compris que certains sites touristiques valaient la peine d’être visités dans le territoire français”, remarque Soline Archambault. Une opinion qu’Anne-Lise Olivier complète : “Le déconfinement a provoqué une surfréquentation des sentiers et des sites touristiques, mais a aussi poussé les touristes à faire du tourisme de façon plus durable, sans prendre l’avion”.
Il faut cependant rappeler que les vacances restent un luxe pour beaucoup de Français : “Environ 40 % des Français ne partent pas en vacances”, constate la directrice de l’association ATD. Mais ce pourcentage est partagé avec une autre donnée : le nombre de personnes qui choisissent leur destination via des photos sur les réseaux sociaux : “Les réseaux sociaux ont un rôle majeur dans le choix des vacances pour beaucoup de Français, notamment les 25-34 ans, avec près de 40 % d’entre eux qui choisissent leur destination selon leur potentiel ‘Instagrammable’, soit faire la meilleure photo pour la poster sur le réseau social Instagram. Ces photos sont d’ailleurs souvent dans les mêmes sites touristiques, et cela incite les voyageurs à s’y rendre pour en prendre”, déplore Anne-Lise Olivier.
C’est d’ailleurs l’une des grandes conséquences de ces réseaux sociaux : la surfréquentation d’un lieu, plus “Instagrammable”, au détriment d’autres destinations dans la région qui valent elles aussi le coup d’être visitées : “Les visiteurs ont souvent tendance à résumer une destination touristique par un lieu et non pas plusieurs, ce qui est une vision assez réductrice de la région”, remarque Anne-Lise Olivier.
Pour essayer de réduire au maximum ce phénomène, Anne-Lise Olivier en parle avec les membres de son association : “C’est d’ailleurs pour cette raison que les professionnels du tourisme sont de plus en plus amenés à anticiper la popularisation de certains lieux français via les réseaux, mais aussi les films et les séries. Il faut faire attention à promouvoir le territoire dans sa globalité plutôt que des lieux spécifiques”. Une solution qui est déjà en passe d’être appliquée à Étretat d’après Soline Archambault : “Un ensemble d’acteurs du tourisme s’y sont concertés pour trouver un moyen de promouvoir l’ensemble du territoire étretatais, et non pas juste ses falaises, si prisées des visiteurs”.
Certains lieux ne sont pas protégés, et il faut penser à les respecter.
Pour autant, les grands sites touristiques ne sont pas les seuls touchés par ce phénomène : “Il n’y a pas que les grands sites naturels qui sont impactés : tous les lieux d’intérêts, comme les plages et les lacs par exemple, sont souvent très fréquentés par les touristes”, témoigne Ingeborg, fidèle auditrice de RCF. Ce témoignage met le doigt sur le fait que certains lieux ne sont pas adaptés à la présence humaine, même très faible : “Certains lieux peuvent pourtant accepter plusieurs milliers de personnes sans avoir de soucis, c’est ce qu’on appelle la capacité de charge d’un site. C’est là que l’on comprend que la signalétique peut être très importante pour préserver les lieux et informer au mieux le visiteur de son impact potentiel sur l’environnement”, explique Anne-Lise Olivier.
Mais le témoignage d’Ingeborg soulève un autre point : “Certains lieux ne sont pas protégés, comparés à une minorité qui a obtenu le titre de sites naturels protégés. Ils ne sont pas pour autant vides de faune et de flore, et il faut penser à les respecter, car ce sont avant tout les habitants de ce site”, précise Soline Archambault.
Afin de résoudre ce problème de surfréquentation des espaces, il n’est pas nécessaire d’aller chercher des solutions alambiquées : “Il suffit de faire attention à la notion temporelle et spatiale. Pour ce faire, il faut organiser les flux et les diffuser, par exemple dans les villages avoisinants les sites touristiques”, explique Anne-Lise Olivier. Au sein du Réseau des Grands Sites de France, Soline Archambault a déjà proposé des solutions : “Pour réguler les manifestations sportives et festives aussi bien dans le temps que dans l’espace, il faut faire en sorte qu’elle ne se déroule pas toutes dans la même période (actuellement majoritairement pendant le printemps) mais aussi de ne pas toutes les organiser sur les mêmes routes/sentiers”.
Parmi les facteurs principaux de pic de fréquentation dans certaines zones, la notion temporelle : “Pour répondre à ce souci, il faut promouvoir le territoire et des activités à faire hors-saison estivale, comme le fait par exemple la région PACA et les Hauts-de-France, qui ne communiquent plus sur l’été”, indique Anne-Lise Olivier. Mais certains aspects du tourisme, comme le transport, doivent eux aussi être repensés : “Il faut changer les pratiques, notamment par rapport à l’utilisation de la voiture, qui est une nuisances aussi bien pour la nature que pour les locaux”, souligne Soline Archambault.
Le tourisme durable, c'est prendre en compte tous les enjeux environnementaux, sociétaux et économiques quand on fait du tourisme.
“Il faut penser à faire du tourisme local, plus respectueux envers notre planète”, déclare Marie-Noëlle, fidèle auditrice de RCF. Une initiative que soutient Anne-Lise Olivier, qui décrit l’impact des transports pour la planète : “Aujourd’hui, le transport et les mobilités représentent près de trois-quarts des émissions à effet de serre dans le tourisme. C’est pour cela qu’il faut revaloriser le voyage près de chez soi”. Une forme de tourisme durable, plus axée sur la proximité de certains lieux d’intérêts de son lieu d’habitation : “Le tourisme durable, c’est prendre en compte tous les enjeux environnementaux, sociétaux et économiques, mais aussi l’impact que va avoir le voyage sur les habitants, et essayer de maximiser les impacts positifs de notre voyage, en multipliant les rencontres et en s’immergeant dans la culture locale”, conseille la directrice de l’association ATD.
Mais pour faire du tourisme durable, faut-il arrêter de voyager en dehors de sa région ? “Il faut valoriser de nouveaux modes de découvertes avec des activités immersives dans des sites moins connus du public”, explique Soline Archambault. Une initiative qu’a déjà prise le Réseau Grands Sites de France : “On a créé un concept d’escapades nature sans voiture il y a de cela dix ans, et aujourd’hui seize grands sites de France sont valorisés sur un site internet dédié. Partout en France, on peut accéder à un site en itinérance via des transports plus écologiques comme le train, le vélo ou encore le cheval."
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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