Migrants : comment échapper aux stéréotypes ?
En partenariat avec LA CIMADE
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C’est l’histoire de deux hommes, un père et un fils, originaires de Mbour au Sénégal. Après avoir connu le danger sur la route migratoire en mer, ils ont réussi à se construire un avenir dans leur ville d’origine grâce à l’accompagnement de notre partenaire local, l’Association nationale des partenaires migrants (ANPM). Les précisions de Stéphanie Gallet.
C’est une photo au format paysage que nous découvrons avec au premier plan à droite un homme noir assis de profil. Il regarde vers la gauche de l’image. C’est un homme plutôt baraqué, une stature impressionnante, renforcée par son crâne chauve qui lui donne un air de "Monsieur propre". Il porte un pantalon et polo noir avec des écussons. Il semble dans une discussion très vive, et son bras droit est tendu vers l'avant comme pour souligner ce qu’il dit.
Derrière lui, au second plan sur la gauche, un autre homme noir lui aussi assis sur une chaise mais de face et il écoute le premier homme avec attention, ses yeux sont écarquillés, sur ses genoux, une petite fille qui ne doit pas avoir plus de 2 ans. Le fond de l’image est entièrement occupé par des cages à pigeons qui sont logés dans ces clapiers de bois. Nous avons donc trois générations, une histoire de famille marquée par l'exil et l'espoir de trouver une vie meilleure ailleurs et en même temps, l'impossibilité de partir.
Nous sommes à Mbour, deuxième port de pêche du Sénégal. Dans la maison parentale, Khalifa écoute avec attention son père Adama qui fait le récit de ses échecs migratoires. Comme beaucoup de jeunes ici, Khalifa partage une histoire similaire et se reconnaît probablement dans les mots de son père.
Après avoir traversé vents et marées, les deux hommes se réjouissent aujourd’hui de pouvoir être réunis.
Khalifa est né à Mbour. Dans cette ville de pêcheurs, il était habitué à l’effervescence des pirogues remplies de poissons qui accostent sur la plage. Mais la surpêche et l’arrivée des chalutiers étrangers ont rapidement épuisé les ressources halieutiques, impactant l’emploi et la sécurité alimentaire. Khalifa ne parvient plus à vivre de son métier. Alors, comme son père jadis, il monte dans une pirogue de fortune direction l’Espagne. Après 13 jours de traversée, la centaine de passagers à bord se retrouvent perdus en mer avant d’être secourus et reconduits par un chalutier. "J’ai perdu beaucoup d’amis en mer. Mais quand tu n’as plus d’espoir, tu es prêt à tout", rappelle-t-il.
À Mbour, le nombre de départs a considérablement augmenté depuis 2006. Et le nombre de drames en mer, aussi. Pour endiguer l’afflux migratoire, les gardes-frontières européens ont renforcé leur présence maritime, poussant les personnes migrantes à se mettre toujours plus en danger. En 2021, 124 naufrages ont eu lieu sur la route migratoire des Canaries. Quant aux personnes interceptées et reconduites, elles se retrouvent bien souvent délaissées par l’État sénégalais.
Face à cette situation, l’ANPM une association partenaire du CCFD-Terre solidaire, accompagne les personnes migrantes, candidates au départ ou refoulées, via des projets de réinsertion. Adama a été l'un des premiers bénéficiaires en 2006. Il est aujourd’hui Président du groupement d’intérêt économique de Mbour. Khalifa a lui aussi été accompagné par l’association à son retour. Il s'est formé à l'élevage et possède aujourd'hui une petite étable qui lui permet de vivre avec sa femme et sa fille.
Chaque jeudi dans Je pense donc j'agis avec #JeudiPhoto, Stéphanie Gallet décrypte une photo choisie par le CCFD-Terre solidaire. #JeudiPhoto, c'est un autre regard sur le monde pour saisir les défis auxquels sont confrontés les populations à travers la planète.
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