De « mauvais traitements » dans un élevage de poulets, « des chevreaux à l’agonie et des cadavres entassés » dans une autre exploitation… Pas une semaine ne passe sans que l’association L214 ne signale des cas de maltraitance sur des animaux d’élevages intensifs. Des accusations auxquelles les consommateurs sont de plus en plus sensibles et qui amènent la filière à se demander comment assurer véritablement le bien-être des animaux d’élevage, tout en assurant la survie économique des éleveurs.
Ce n’est pas une problématique nouvelle. Depuis 1965 déjà, le bien-être des animaux est au cœur des préoccupations de la filière agricole, notamment au travers du rapport Brambell qui définit les cinq libertés fondamentales des animaux captifs, parmi lesquelles l’absence de faim, de soif et de malnutrition ; l’absence de stress physique ou thermique ou encore l’absence de douleurs, de lésions et de maladies. Et bien que ce soit « un objectif que les agriculteurs s’efforcent de respecter » et qu’il y ait « des progrès », selon Bernard Denis, médecin vétérinaire, quelques problèmes subsistent dans certaines exploitations.
« La question c’est de savoir jusqu’où on pense le bien-être animal », interroge le père Eric Charmetant, enseignant jésuite au sein du département d’éthique biomédical du Centre Sèvres. « Si on considère que c’est du bien-être d’avoir une surface de vie de 0,6 feuille A4 pour un poulet, on se dit qu’il y a encore beaucoup de chemin », souffle-t-il. Et ce chemin est long et semé d’embûches en raison des contraintes économiques qui pèsent sur les agriculteurs et en raison de la concurrence étrangère, comme l’explique Bernard Denis : « plus les normes deviennent exigeantes, plus les risques d’importations de produits de l’étranger augmentent », sans garantie de qualité ni de respect du bien-être animal. « C’est une réalité qui est un véritable casse-tête aujourd’hui », affirme-t-il.
Pour sortir du modèle d’élevage industriel, la seule « issue de secours est entre les mains des consommateurs », estime le médecin vétérinaire, coordinateur de l’ouvrage Éthique des relations homme/animal. Et les signaux envoyés par les consommateurs français sont plutôt positifs. D’après le baromètre 2023 de l’association 30 millions d’amis, 83 % des sondés sont favorables à l’interdiction de l’élevage intensif et 91 % demandent l’interdiction des transports d’animaux d’élevage vivants.
Mais cette conscience se heurte souvent à la réalité et au coût de la vie. La période inflationniste que nous connaissons depuis plusieurs mois en est un parfait exemple. « Après avoir connu une expansion importante, l’agriculture biologique est dans une situation préoccupante, explique Bernard Denis, donc cela veut dire que quand le consommateur a le choix entre des produits peu onéreux et des produits de qualité mais nettement plus chers, ils se tournent plutôt vers les premiers ».
Inciter les consommateurs à manger moins de viande et à acheter local, voilà deux solutions qui permettraient de réduire le nombre d’animaux dans les élevages et d’augmenter leur bien-être, tout en assurant la pérennité des exploitations. « Si on intégrait davantage la question de minimiser les transports, de rapprocher les lieux d’élevage et des consommateurs, on pourrait sans doute déjà beaucoup progresser », estime le père Eric Charmetant, conscient que tout ne s’améliorera pas en un instant, compte tenu des 1,6 milliard d’animaux vivants qui sont transportés chaque année dans l’Union Européenne, d’après la Cour des comptes européenne.
Autant de questions et de solutions qui se trouvent également au croisement des considérations écologiques de l’époque et qui pourraient contribuer à basculer le modèle de l’élevage intensif.
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