Les députés se sont penchés, mardi 11 avril, sur la proposition de loi "pour bâtir la société du bien vieillir". Mais qu'est-ce que bien vieillir dans une société où le vieillissement fait peur ? Autrefois, il existait dans la tradition chrétienne un art de bien vivre et de bien mourir...
Ce mardi 11 avril les députés examinent la proposition de loi "pour bâtir la société du bien vieillir". Plusieurs mesures sont à l’étude comme la lutte contre l’isolement des seniors ou la carte professionnelle pour les aides à domicile. Alors qu’une loi "grand âge" avait été abandonnée en 2021, il y a urgence dans notre société à se pencher sur le sort de nos aînés.
C’est dès 40 ans qu’il faut se préoccuper "de la densité, de la profondeur, de la diversité des relations sociales". Pour Yann Lasnier, délégué général de l’association Les Petits frères des pauvres, il y a urgence à combler les lacunes en terme de prévention, et notamment prévention de l’isolement social. Selon lui, "les conditions de l’adulte vieillissant que vous serez se construisent 15 ou 20 ans plus tôt". Auteure de "L’aventure de vieillir - Et si avancer dans l’âge était un voyage ?" (éd. Robert Laffont, 2022), Marie de Hennezel rappelle que son livre ne s’adresse pas qu’aux personnes de plus de 80 ans... Elle prépare d’ailleurs un nouvel ouvrage qui s’intitulera "Vieillir solidaire".
On estime qu’en 2050, le nombre de personnes de plus de 85 ans passera de 2 millions aujourd’hui à plus de 4 millions. Ce qui a de quoi inquiéter les générations suivantes. Comment pourra-t-on prendre en charge les parents vieillissants quand on vit dans de petits appartements et quand on sait le coût des maisons de retraites ? Notre société a très largement "une image déficitaire de la vieillesse", regrette Marie de Hennezel, psychologue clinicienne. Et en effet, quand on fréquente le grand âge, "il y a de l’inéluctable, du raté, du lamentable, quelque chose qui ne marche pas, qui n’est pas récupérable", note le jésuite Bruno Saintôt, directeur du département d’éthique biomédicale du Centre Sèvres. "Quand vous allez dans les Ehpad, vous voyez de gens qui râlent à longueur de journée… Qu’est-ce qu’on fait avec ça ? Ceux qui sont menacés de ne pas avoir figure humaine ? Qu’est-ce qu’on fait pour se comporter humainement quand il y a du lamentable, de l’irrécupérable, que les familles sont désemparées ?"
Pourtant, "à force de ne voir que les diminutions on finit par avoir peur ou par redouter de vieillir, par oublier que finalement c’est une chance", estime Marie de Hennezel. Pour elle, "ce que [ces jeunes générations] attendent c’est que leurs parents prennent leur vieillir à bras le corps et qu’eux-mêmes décident de ce qu’ils veulent pour eux". Comme elle l'écrit dans l'un de ses livres, "plus les grands-parents seront heureux moins ils pèseront lourd sur leurs enfants" (dans "Qu’allons-nous faire de vous ? Deux générations face à face", éd. Lgf Livre de poche, 2013 - coécrit avec son fils Édouard de Hennezel.)
Le "paradoxe" de la vieillesse, décrit Marie de Hennezel, c’est que "le corps décline" mais qu’il y a "une ouverture du cœur et de l’esprit". Comme le dit Victor Hugo : "Mon corps décline ma pensée croît ; sous ma vieillesse il y a une éclosion." Ce qui rejoint le propos de saint Paul, dans sa Lettre aux Corinthiens : "Même si en nous l’homme extérieur va vers sa ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour." (2 Co 4, 16). Il y a dans la tradition chrétienne un art de bien vivre et de bien mourir "qui est complètement perdu", note Bruno Saintôt. Pour le jésuite il faudrait se défaire cette "utopie de la santé définie au sortir de la guerre comme état de complet bien-être physique et mental".
Bien vieillir, c'est oser parler de la mort. Aux Petits frères des pauvres, on lance des initiatives "pour visibiliser la mort dans la société", raconte Yann Lasnier. Par exemple, des "apéros de la mort" : Ce sont "des temps de convivialité entre bénévoles et personnes accompagnées pour libérer la parole sur la mort". Et en parler autrement qu'en terme d'euthanasie ou de suicide assisté. "Dès qu'on enlève le côté tabou du sujet", note Yann Lasnier, on suscite l'envie d'en parler. Comme l'observe Marie de Hennezel, parler de la mort sans tabou, cela peut encourager à mettre de l'ordre dans sa vie, à se demander ce qui est essentiel... Et, au final, "être en paix avec sa vie, avec les autres, pouvoir dire son amour aux autres".
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