En France, ce sont 600 enfants par an qui naissent sous X. Abandonnés à la naissance, il leur arrive souvent de vouloir retrouver leurs origines une fois adultes. Poussés par une quête d’identification, un besoin de renouer ou une grande curiosité, les démarches à accomplir pour retrouver ses parents sont nombreuses. Mais pour aider celles et ceux qui souhaitent retrouver leurs origines, des organismes existent.
Quand Marie Brunet apprend par hasard, à dix ans, qu’elle est adoptée, elle décide de ne rien dire. C’est quatre ans plus tôt qu’elle avait été placée dans cette famille avec la promesse que les parents étaient les siens. "Pour me protéger, moi, mais aussi pour les protéger eux, j'ai gardé le secret", explique-t-elle. Un secret qu’elle tait jusqu’au décès de ses parents adoptifs. Dès lors, elle cherche à retrouver sa mère naturelle. Ce parcours de recherche de ses origines l'a poussée à écrire deux romans sur l'adoption. Si Marie Brunet s'apprêtait à être grand-mère quand elle a initié les démarches, ce n’est pas l’énergie qui lui a manqué dans sa quête. Petite, dès ses dix ans, elle s’est inventé des histoires en se promettant d’aimer celle qui l’avait mise au monde, tout en refusant d’envisager "les histoires moches de viol et d’inceste".
Cette "enquête" demande et prend du temps. Du temps pour comprendre son histoire, pour l’accepter et cheminer dans ce parcours, mais aussi du temps dans les démarches. Se retrouver face à la personne qui nous a donné la vie demande une préparation. Les enfants peuvent alors retrouver un visage ou une histoire mais repartent avec de nombreuses questions. Parfois aussi, les mères demandent l’anonymat, ce qui force le secret de l’identité. Si Marie Brunet "pense que ces mères sont à respecter, [elle est] contre l’anonymat". Elle considère cette mesure comme "stupide".
Pour la demande d'accès à ses origines, tout est relativement administratif. Un enfant né sous X, placé à l’aide sociale à l’enfance ou adopté, peut faire une demande d’accès à ses origines pour connaître ses parents. Cette demande est faite par écrit auprès du CNAOP (Conseil national pour l'accès aux origines personnelles) avec la copie intégrale de son acte de naissance et le jugement d’adoption. Le demandeur devra ensuite répondre à un questionnaire très détaillé. La demande peut se faire avant la majorité si le mineur est accompagné par ses parents adoptifs. S’il est pupille de l’Etat, il doit être accompagné par son tuteur.
Le CNAOP accompagne les démarches de A à Z. Dès que le désir de retrouver ses parents se manifeste, l'organisme peut intervenir. Il fait parfois l’intermédiaire dans la recherche du parent de naissance. Les attentes étant différentes, les rencontres se font souvent d’abord via une lettre. Il faut s’assurer que les deux côtés sont prêts. Martine Fauconnier-Chabalier est docteure en histoire et auteure de plusieurs livres au sujet de l’adoption. Elle a notamment exercé dans les services de l’Aide sociale à l’enfance et au CNAOP. Pour elle, les nombreuses personnes qui découvrent tard leur adoption sont "pénalisées" dans la mesure où leurs parents sont probablement décédés.
Marie Brunet souligne le poids de "cette particularité sur le développement d’une existence" pour les personnes adoptées. Pour vivre après une révélation, le CNAOP prévoit un accompagnement. Mais dans beaucoup de situations, les dossiers sont vides, en particulier pour les personnes nées dans les années 1950 / 1960. On conseillait alors aux mères de ces "enfants sans origine" de ne rien laisser dans les dossiers pour favoriser l’adoption. Cette quête s’avère donc parfois infinie, le désir est inassouvi et les enfants adoptés doivent "vivre leur vie sans savoir". Il arrive aussi que l’un des deux veuille arrêter les démarches.
A l’heure de la révélation, il s’agit de savoir ce qui peut être su et ce qui veut être su, ce qui peut être dit et comment il doit être dit. Les premières choses que les personnes adoptées veulent savoir sont diverses et variées : la raison de leur abandon, leur lieu, poids et taille de naissance ou le physique de leurs parents. Du côté des mères, la question la plus posée reste: "est ce que mon enfant a été heureux ? a-t-il fondé une famille ?". Martine souligne que "c’est toute une histoire que la personne découvre" : on peut découvrir une mère toute autre que celle que l'on avait imaginée. C’est le rôle de la CNAOP d’accompagner plus en amont.
Marie-Pierre Cournot est pasteure à l’Église protestante unie de Montparnasse-Plaisance à Paris. Elle souligne l’importance des recherches d’origines dans la Bible. C’est probablement les histoires de Moïse ou d’Esther qui interpellent le plus. Dans le Nouveau Testament, deux évangiles donnent la généalogie de Jésus.
Certaines personnes adoptées et catholiques évoquent une "double parentalité". Marie Brunet est interpellée par la double filiation : "les expressions "enfant de Dieu" et "universalité" me parlent énormément". Pour ces "enfants de Dieu", donc, quelque chose d’universel s’installe. S’il ne "remplace pas la filiation terrestre", ce sentiment peut aider.
Avec le développement des tests ADN, l’ascension des réseaux sociaux et l’accès simplifié aux données, les moyens évoluent. Martine Fauconnier rappelle que l’accès aux origines remonte seulement aux années 80. Pour elle, "les réseaux sociaux sont presque dangereux par leur immédiateté et la rupture de secret". Illégaux en France, les tests ADN coûtent entre 60 et 100 euros. Selon l'association DNA PASS, entre 100.000 et 200.000 Français y auraient recours chaque année. Et pour les âges auxquels les démarches sont initiées, 20% des personnes ont entre 18 et 39 ans, 20% entre 50 et 60 ans, et 24% sont plus âgées que 60 ans. ce pourcentage va en augmentant.
Le 22 janvier 2002, une loi facilitant l’accès aux origines personnelles des personnes nées sous X a été votée. La loi de bioéthique du 2 août 2021 ouvre quant à elle aux personnes majeures nées d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur le droit d’accéder aux données de ces tiers. Ainsi, depuis le 1er septembre 2022, les personnes qui souhaitent procéder à un don de gamètes ou proposer leurs embryons devront consentir expressément à la communication de leur identité et de leurs données non-identifiantes.
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Pour aller plus loin :
Martine Fauconnier-Chabalier est l’auteure de « Les destins croisés des pupilles et de leur familles (1914-1939)”, paru aux Presses de l’EHESP en 2009. Le 3 novembre sortira son nouvel ouvrage “Des mères singulières. Les mères qui abandonnent leur enfant en France (1900-2020)” aux Presses universitaires de Rennes dès le 3 novembre.
Les romans de Marie Brunet sont parus aux éditions du Rocher : l’Amour adopté et Le Père empêché
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