Un an seulement après le rapport de la Ciase, les évêques se rassemblent du 3 au 8 novembre dans un climat marqué par la découverte d'un nouveau scandale ces dernières semaines. Mais cette crise peut aussi être l'occasion d'un vrai sursaut.
À partir d'aujourd'hui l'ensemble de l'épiscopat français se réunit à Lourdes pour son assemblée plénière, dans une atmosphère assombrie par les révélations concernant l'ancien évêque de Créteil, Michel Santier. Après plusieurs années chahutées - entre révélations d'abus sexuels et spirituels et rapport de la Ciase l'an dernier -, les évêques aspiraient à "se retrouver" enfin entre eux, loin de l’attention médiatique, pour réfléchir à d’autres enjeux pastoraux. Mais soudain, tout a déraillé. L’affaire Santier leur est tombée dessus comme une tempête, pourtant prévisible… ou plutôt : comme la violente réplique des précédents scandales. Et les réactions, désordonnées, tardives, ont révélé un épiscopat tétanisé, dont le quasi-retranchement n’a fait qu’empirer la situation.
Ce qu'elle va faire, nous verrons. Mais on peut déjà dire qu'elle doit absolument éviter deux erreurs ; en fait, les deux faces d'un même déni. La première : minimiser la colère qui s’exprime depuis trois semaines chez un certain nombre de fidèles, comme si elle ne concernait que de quelques militants qui s'échauffent sur les réseaux sociaux. Car il y a plus grave que la contestation bruyante et visible : c’est la résignation silencieuse de tous ceux qui, lassés, ne croient simplement plus l’Église capable de changer, ou qui jettent l’éponge et s’en éloignent à bas bruit. Seconde erreur à éviter à tout prix : croire que cette colère est un combat contre les évêques, alors qu’elle est, majoritairement, un appel désespéré à mieux collaborer avec eux. Ce que cette crise exprime, c'est d’abord une attente. Une attente véhémente, mais bien vivante.
Ce malaise aussi, il faut l'entendre. Bien sûr que les réactions actuelles comportent une part d’injustice pour une génération de pasteurs qui, face à cette crise sans fin, se retrouve chargée de solder les errements de ses prédécesseurs, de revoir en totalité son mode de fonctionnement, tout en étant, certes, celle qui a eu le courage, en commandant le rapport de la Ciase, de regarder les choses en face. Et en effet, des évêques confient que leur charge est lourde et se désolent qu'on semble oublier qu’ils ne sont "que des hommes". Mais justement ! Il est là, le besoin qui s’exprime : les fidèles aimeraient voir de leurs yeux que leurs pasteurs sont, effectivement, des hommes. Sentir une indignation, une colère, de vraies émotions derrière les paroles feutrées… En somme, que leur verbe se fasse chair. Et se traduise en actes, pour faire vraiment de l’Église une "maison sûre".
Il est encore un peu tôt, mais quelques-unes émergent. Par exemple : à l’éternelle question de "l'utilité" de rendre publiques les affaires, la découverte de nouvelles victimes de Michel Santier a apporté une réponse cinglante. Mais il y a d'autres pistes : la nécessité de revoir certaines règles du droit canonique, l'exigence de transparence, l’urgence de faire appel à des compétences extérieures, pour ne pas tout laisser reposer entre les mains des évêques… Autant de mesures de bon sens et de justice qui sont, pour la plupart, proposées depuis longtemps.
Paradoxalement, c'est une chance. Car, si tout est défait, alors tout est à faire. Si l’Église est à nu, elle a l'opportunité de se reconstruire plus libre que jamais. À condition qu’elle cesse de s’accrocher à ses structures, surtout quand celles-ci se révèlent inhumaines. Et tout le monde – clercs comme laïcs – n’aspire au fond qu’à cela : une foi partagée, des communautés vivantes, une collaboration attentive. Appelons ça un retour à l’Évangile. Il y a, dans les cris du cœur de ces derniers jours, un appel, qui vaut tous les synodes. Une révolte ? Allez savoir : peut-être même une révolution !
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