Chers amis, peut-on vivre ensemble ? De culture, de religions, d’âge, de milieux socioculturels différents,
peut-on non seulement cohabiter mais se reconnaître et aimer la diversité ? Question politique s’il en est, d’art de la cité...
Il y a quelques jours, j’ai eu le bonheur d’inaugurer, avec bien d’autres, une maison de vie. Au cœur de Paris, nous avions, ma congrégation, une grande maison avec de beaux jardins. Mais une question taraudait, malgré toute la vie et la vertu d’hospitalité qui s’y déployaient. La maison se dégradait et ne permettrait plus de penser sa pérennité et le poids des années pesait sur les sœurs.
Après moult discussions, réflexions, consultations, nous nous sommes décidées pour un énorme chantier. Devoir fermer une école, quitter la maison, chercher et espérer trouver les meilleures solutions pour chaque sœur et entreprendre des travaux colossaux pour ouvrir une autre maison, et la même pourtant, peut-être. Tout cela ne s’est fait pas fait sans larme, sans fatigue, sans douleur, sans crainte, au creux du Covid aussi, et ce ne pouvait sans doute être autrement.
Mais aujourd’hui, grâce à tous nos partenaires, Habitat et Humanisme, le constructeur, les architectes et les artistes, cette nouvelle maison est là. Pour la vie, les rencontres, la reconnaissance mutuelle, l’entraide. Rien de magique. Juste le minuscule du quotidien où se bâtissent les liens et les soutiens, fragiles toujours mais réels. Une maison où pour les petits et les grands, les enfants comme les sœurs aînées, il fait juste bon vivre, se sourire, se parler, écouter, rire.
Accueillir des plus vulnérables, des familles précaires, des personnes trop isolées fut et demeure une forte mission dans la vie religieuse. Être présents à celles et ceux dont le Christ s’est fait le proche, par ses pas, sa parole, sa croix. Donner en partage quelque chose de sa paix intérieure, l’offrir à des vies si cabossées par les circonstances et parfois les exodes du bout du monde, est une grande chance. Ne pas garder pour soi la joie qui vient de Dieu, sans exubérance ni discours.
C’est là aujourd’hui la mission des sœurs qui vivent dans cette maison intergénérationnelle. Être avant tout une présence bienveillante, accueillante. Avec les difficultés, les fatigues et les tempéraments des unes ou des autres. Là encore rien d’exceptionnel. Mais ce qui tient le fil de la vie. Ne plus être désolé ni dans un monde uniquement hostile ou indifférent. Sans rien pourtant de spectaculaire ni d’héroïque.
Vivre ensemble. Les uns et les autres, pas les uns dans les autres. Et si possible les uns avec les autres, respectueusement. Cette maison, comme bien d’autres aujourd’hui d’habitat inclusif, partagé, est témoin que nos sociétés peuvent se construire autrement que sur le conflit, le mépris, la compétition ou le chacun pour soi. Si vous passez par-là, franchissez la porte. Elle s’appelle la Maison Saint-Charles, dans le XVe arrondissement à Paris.
Véronique Margron op.
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