Anne Plouy démêle le vrai du faux concernant un préjugé lié à une conviction religieuse ou spirituelle. À une semaine des élections européennes, intéressons-nous aux racines judéo-chrétiennes de l'Europe.
Commençons déjà par définir ce que veut dire Racines Judéo-chrétiennes. Racine sous-entend que l'Europe, ou du moins l'Union européenne, a été fondée sur des valeurs et des principes judéo-chrétiens. Et par judéo-chrétien, on entend l'ensemble des traditions religieuses, culturelles et éthiques issues à la fois du judaïsme et du christianisme.
L’Europe a des racines judéo-chrétiennes, mais cette affirmation est un peu réductrice. Prenons l’exemple de la langue, qui montre à quel point les racines européennes sont bien plus diversifiées. Les langues européennes sont issues de différentes familles linguistiques, comme les langues germaniques, romanes, et slaves, chacune ayant été influencée par des échanges culturels multiples et variés au-delà des simples racines judéo-chrétiennes.
Ensuite, l'histoire des juifs en Europe illustre également cette complexité. Les juifs ont souvent été marginalisés et persécutés à travers les siècles. Leur intégration dans la société européenne a été inégale et marquée par des périodes d'exclusion et de tolérance.
Et enfin, réduire les fondements de l'Europe aux seules valeurs judéo-chrétiennes néglige d'autres influences importantes, comme les apports grecs et romains, les interactions avec le monde islamique, et les philosophies des Lumières, qui ont par ailleurs joué un rôle crucial dans le développement des valeurs et des principes européens modernes.
Après la Seconde Guerre mondiale, alors que l'Europe cherchait à se reconstruire et à promouvoir une vision d'unité, souligner notre héritage commun avait un impact significatif. Ce message d'unité était essentiel pour montrer que nous construisions ensemble une nouvelle société basée sur des valeurs partagées.
Cependant, il est problématique d'utiliser cette référence pour exclure ceux qui ne partageraient pas cet héritage commun. Cela contredit l'essence même de l'Union européenne, qui repose sur des principes d'inclusion, de diversité et de respect mutuel.
Il est également crucial de comprendre pourquoi on en parle et ce qu’on met derrière. Par exemple, quand j’entends qu’on attribue la démocratie à l’héritage judéo-chrétien, je trouve cela assez osé et trompeur. Historiquement, l'instauration des démocraties en Europe a souvent impliqué des luttes contre le pouvoir religieux plutôt qu’avec.
Ce n’est pas du tout problématique de reconnaître d’où on vient, au contraire, et j’irais encore plus loin, il faut reconnaître d’où on vient, y embrasser la complexité. L'Europe a été façonnée par une multitude d'influences culturelles, philosophiques et religieuses, et c'est cette diversité qui constitue sa véritable richesse. Instrumentaliser un seul aspect de cet héritage pour des raisons politiques ou idéologiques non seulement déforme la réalité historique, mais risque également de diviser plutôt que d'unir. Cela va à l'encontre des principes d'inclusion et de diversité qui sont au cœur de l'Europe.
À la veille de ces élections européennes, je nous invite donc à lire attentivement les programmes et les propositions des différents candidats et candidates. Guidons nos choix en nous rappelant que l’Union européenne est un projet de société conçu pour vivre ensemble dans toute notre diversité. Il est plus urgent que jamais de continuer à travailler conjointement pour améliorer cette union, plutôt que de travailler à l'exclusion, sinon nous risquons de perdre, et notre sécurité, et notre humanité.
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