POINT DE VUE DE AYMERIC CHRISTENSEN - Le projet de loi sur la fin de vie a été présenté en conseil des ministres ce mercredi 10 avril. Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie, déplore cette légalisation de l'aide à mourir alors que la Santé manque de moyens.
Comme prévu, le gouvernement envisage donc de légaliser en France l’« aide à mourir » (comme il dit), c’est à dire et l’euthanasie et le suicide assisté, dans une fuite en avant éthique maximaliste. Bien sûr, pour faire passer la pilule, Emmanuel Macron et Catherine Vautrin, la ministre de la Santé, essaient bien de nous vendre que le projet serait « équilibré », avec la promesse d’un plan décennal en faveur des soins palliatifs.
Cette loi fin de vie, en fait, c’est deux « tiens » et un « tu l’auras » ! D’une main, on ouvre (je répète) et le suicide assisté et l’euthanasie ; de l’autre, on agite des promesses, des promesses et encore des promesses… alors que les déficits publics s’envolent, alors qu’on manque déjà de moyens et de soignants à l’hôpital, et surtout alors que rien ou presque n’a été fait depuis 2017 pour développer ce qui aurait dû être un préalable à toute évolution de la loi.
Disons les choses clairement : cela fait 25 ans que les différents gouvernements ne sont pas au rendez-vous de l’ambition que l’Assemblée nationale s’était donnée, à l’unanimité. C’est dramatique, c’est de la non-assistance à personnes en danger. Faute de s’être donné les moyens de développer vraiment les soins palliatifs, dont tant de nos concitoyens en fin de vie ne bénéficient toujours pas, on a même réussi à donner à trop de gens une image négative de la démarche palliative… et à les convaincre que l’euthanasie serait « plus digne ».
Où est la solidarité ? Où est la « fraternité » dont le Président a osé récemment parler ? Où est la liberté de « choisir sa mort », si on n’a pas la garantie qu’on pourra, si on le souhaite, être soigné et accompagné dignement jusqu’au bout ? Mais il y a pire…
Pas plus tard qu’hier, dans une tribune au journal Le Monde, Matthias Savignac, le président de la Mutuelle générale de l’éducation nationale, réclamait avec le président de l’ADMD que soit retirée du projet de loi la mention d’un « pronostic vital engagé » pour accéder au suicide assisté. Or, cela fait plusieurs années que la MGEN milite pour l’euthanasie. On a aussi vu, en 2020, Thierry Beaudet, président de la Mutualité française (et devenu depuis président du CESE) plaider dans le même sens.
Que des mutuelles, dont le rôle est notamment de rembourser des soins, s’engagent en faveur du suicide assisté, voilà qui devrait faire bondir toute personne attachée à la protection des plus vulnérables. Faut-il y voir de médiocres calculs économiques, à l’heure où la population continue de vieillir ? On nous assurera, la main sur le cœur, que non, jamais de la vie, comment osez-vous l’envisager ! Ce serait une trahison pure et simple de l’esprit mutualiste, qui est de protéger, pas d’abandonner la solidarité dans la fusion du libéralisme sociétal et économique.
"Ce débat réclame de la cohérence et des actes de fraternité"
La question de la fin de vie renvoie chacun à son propre rapport à la mort, ainsi qu’à des expériences, parfois douloureuses, d’accompagnement de proches en souffrance. Au-delà des principes philosophiques et des inquiétudes légitimes, la façon de l’aborder témoigne aussi des priorités d’une société, et de sa délicatesse vis-à-vis de l’extrême fragilité de certains de ses membres – âgés, malades ou handicapés.
Pour le dire autrement : ce débat réclame de la cohérence et des actes de fraternité. Il mérite… nous méritons tous mieux que des vœux pieux et des bilans comptables.
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