Belgique
LA CHRONIQUE DES ENFANTS DU MEKONG - Aujourd'hui Antoine Besson évoque sa rencontre avec Mam'Percy, originaire de Manille, qui raconte l'insalubrité des bidonvilles des Philippines.
Oui Pierre-Hugues, il y a quelques jours, nous avons reçu la visite au siège de Mam’Percy. Je souris en y repensant car vraiment c’était inattendu. Imaginez Pierre-Hugues un petit bout de femme brune, au regard pétillant, au visage buriné par le soleil et la vie, de petite taille, ne parlant pas Français dans notre métro parisien.
Mam’Percy a plus de 65 ans et vit à Manille dans cette ville gigantesque où se côtoient tous les extrêmes. Les plus riches comme les plus pauvres aux Philippines, habitent Manille. Les bidonvilles y sont si nombreux et si grands qu’ils sont devenus des quartiers de la ville. On y nomme « maison » les petites bâtisses de tôles et de bois comme s’il était parfaitement normal de vivre dans l’inconfort et l’insalubrité. Là-bas, la misère est devenue la norme et les enfants jouent au bord des décharges. De temps en temps, quand la promiscuité devient insupportable et que les autorités perdent patiences, un incendie criminel opportun vient détruire les frêles habitations de bois. Puis, le bidonville se reconstruit sur les cendres encore fumantes.
J’ai eu la chance de rencontrer Mam’Percy il y a quelques années lors d’un reportage dans ces bidonvilles. Dans cet enfer de saleté et de promiscuité, ce petit bout de femme avait un don unique : celui de faire briller la lumière dans les yeux des enfants qu’elle rencontrait. Leur joie était évidente. A l’époque, j’ai suivi Mam Percy dans le bidonville de Market 3. Elle s’y rend tous les après-midis pour y faire la lecture dans la rue aux enfants. A peine étions nous arrivés qu’une ribambelle d’enfants a surgit autour de nous. Les visages et les pieds recouverts de cendres noires. Le bidonville de Market 3 avait justement été victime d’un de ces « incendies opportuns » privant en quelques heures plus de 800 familles du peu de foyer qu’elles avaient réussi à arracher à la rue hostile. Ces petits charbonniers nous ont immédiatement investi pour jouer avec nous, grimper sur notre dos, sauter dans nos bras. Mam’Percy a étendu quelques nattes sur le sol en pleine rue. Sorti quelques livres. Et la magie a opéré. Le tourbillon a cessé. Les enfants n’étaient soudain plus des enfants de la rue mais de petits écoliers curieux. Ils écoutaient l’histoire de cette ferme aux animaux que leur racontait Mam’Percy au milieu du brouhaha de la rue et des reconstructions.
Elle était invitée à découvrir notre pays à l’initiative de nombreux volontaires qui l’ont rencontré aux Philippines. Des volontaires qui voulaient faire témoigner cette femme exceptionnelle auprès de leur entourage. Alors en la croisant ici à Paris, je m’interroge. Est-ce que les gens qui sont à coté d’elle dans ce métro parisien matinal imagine à coté de qui ils sont assis ? Savent-ils quelle personne extraordinaire ils côtoie pendant leur voyage ?
Cela m’a donné envie de vous partager en ce début de journée et de semaine cette lumière que j’ai vu briller si intensément dans l’obscurité de Manille. La joie vive des enfants, le dévouement de Mam’Percy entièrement donnée à sa mission alors qu’elle-même ne vit quasiment de rien dans les mêmes conditions que tous ces enfants, dans un autre bidonville. Non pas parce que cette lumière justifie les conditions de vie de ses enfants. Non pas parce qu’elle amoindrit l’horreur. Mais parce que si l’ombre n’existe pas sans la lumière, de même, il n’existe aucune part de misère qui ne comporte sa part d’espérance. Ce sont ces lumières, ces énergies, ces enfants, leurs espoirs et leurs joies, que nous devons en premier lieu considérer pour trouver en nous la force et les moyens de changer les choses. C’est l’appel de Mam’Percy si loin de Manille, ce matin dans son métro parisien…
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