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Parlons d'unité !

Un article rédigé par Cyrille Payot - RCF, le 22 janvier 2024 - Modifié le 22 janvier 2024

« RĂ©armer la Nation » pour unir la sociĂ©tĂ© divisĂ©e : nous pourrions ainsi rĂ©sumer le projet annoncĂ© par le chef de l’État. Lors de sa confĂ©rence de presse la semaine dernière, il a prĂ©cisĂ© que la nation est « plus qu’une sociĂ©tĂ© avec des individus libres qui coopèrent ». 

Crédits : Affiche de la semaine pour l'unité des chrétiens ©DRCrédits : Affiche de la semaine pour l'unité des chrétiens ©DR

Nous avons « des choses intemporelles qui nous lient ; et un mystérieux projet commun qui fait que face à l’adversité, on s’unit. C’est ça, une nation, et ça a quelque chose de spirituel qui nous dépasse ». Certains verront dans ces mots prononcés par le Président de la République, le souci légitime de nous pétrir d’unité, sur un ton presque religieux.

Mais de quelle unitĂ© parlons-nous ? 

Bonne question. La semaine de prière pour l’UnitĂ© des ChrĂ©tiens vient de s’ouvrir. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu… et ton prochain comme toi-mĂŞme »... tel est le thème proposĂ© par les Églises du Burkina Faso pour cette semaine de l’UnitĂ©. Nous pouvons nous rĂ©jouir que l’unitĂ© souhaitĂ©e ici soit Ă©largie « au prochain » (et non pas simplement entre ChrĂ©tiens), Ă  l’image du Bon Samaritain que JĂ©sus remet au centre pour l’illustrer : pouvons-nous voir dans « le prochain » (quand bien mĂŞme celui-ci serait Ă©tranger Ă  ma religion, Ă  ma culture, Ă  ma vision des choses), un ĂŞtre humain capable d’appliquer ce que Dieu nous demande... et de l’apprĂ©cier, voire de l’aimer ? 

Est-ce Ă  dire que l’unitĂ© nous oblige Ă  tout accepter « du prochain », voire Ă  nous effacer ? 

Dans l’histoire comme dans notre actualitĂ©, peut-ĂŞtre avons-nous parfois des raisons de nous mĂ©fier de l’unitĂ©, en particulier lorsqu’elle est prĂ´nĂ©e par ceux qui nous gouvernent… Il y a deux semaines, Ă  Moscou, Alexis Ouminski, prĂŞtre orthodoxe russe, a refusĂ© de lire une prière « pour la victoire de la Sainte Russie », Ă©tant lui-mĂŞme opposĂ© Ă  la guerre contre l’Ukraine. Le patriarcat, fidèle soutien du rĂ©gime de Vladimir Poutine, a dĂ©cidĂ© de dĂ©mettre de ses fonctions ce prĂŞtre rĂ©calcitrant qui prĂ©fère, je cite : « prier pour la paix plutĂ´t que pour la victoire d’une nation ». Qu’en sera-t-il bientĂ´t des Ă©lites conservatrices amĂ©ricaines (issues du milieu Ă©vangĂ©lique) qui voient en Donald Trump non seulement le futur Ă©lu prĂ©sident (après les premiers succès des primaires), mais l’élu de Dieu ? 

A qui sommes-nous unis ?

A Dieu, ou Ă  l’attrait d’un pouvoir qui nous rassure ? DĂ©jĂ  au 16ème siècle, La BoĂ©tie nous avertissait : l’unitĂ© recherchĂ©e pour former une collectivitĂ© unique - un grand « Un »-, peut devenir une « servitude volontaire » du pouvoir. Pour Ă©viter cela, l’apĂ´tre Paul nous autorise Ă  refuser, exceptionnellement, de nous soumettre aux autoritĂ©s par motif de conscience. Ce fut le cas des Protestants au temps de la RĂ©forme du 16ème siècle. Ce qui n’empĂŞche pas de rĂ©affirmer Ă  la suite du Christ que « le monde est Un », dans le sens que Paul dĂ©veloppera : oui, « nous formons un mĂŞme corps », et « lorsqu’un membre souffre c’est tout le corps qui souffre avec ». L’unitĂ© commence peut-ĂŞtre par lĂ  : passer « de la peur de l’autre Ă  la peur pour l’autre », pour ce que l’autre peut endurer. Accepter que chacun soit comme une pierre unique Ă  l’édifice de la crĂ©ation (et non une brique utilisĂ©e pour former une tour de Babel). 

N’est-ce pas un peu idĂ©aliste de parler ainsi ? 

L’unitĂ© nous engage Ă  entendre parfois les pierres qui dĂ©rangent et qui « crient ». C’est un acte fort. La confĂ©rence des Ă©vĂŞques de France  l’a rĂ©affirmĂ© d’une certaine façon, suite Ă  la dĂ©claration du Vatican ouvrant la voie Ă  la bĂ©nĂ©diction des couples « de catholiques en situation irrĂ©gulière » ; les Ă©vĂŞques de France l’ont ainsi reçu « comme un encouragement Ă  bĂ©nir gĂ©nĂ©reusement les personnes en demandant humblement l’aide de Dieu, sans distinction quant Ă  leur sexualitĂ© ou leur situation ». L’Église Protestante Unie de France, dans son synode de 2017, est allĂ© plus loin en donnant son accord en faveur de la bĂ©nĂ©diction des couples homosexuels.  

Tout cela est loin de faire l’unanimité...

Dans notre contexte où le conflit entre la génération de la cancel culture (qui veut effacer du patrimoine toute posture blessante à l’égard des femmes, de l’écologie, des homosexuels etc), et la génération des Boomers qui s’offusque de cette violente radicalité, comment retrouver l’unité ? Les lectures dominicales récentes dans 1 Samuel 3 nous rappellent que la vision neuve que Samuel reçoit de Dieu pour dénoncer l’injustice d’une génération, a eu besoin du vieux Eli pour relier Samuel à un projet de Dieu. Peut-être que l’unité commence par là : entre générations.
 

©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Tribunes chrétiennes
©RCF
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