Alpes-Maritimes
LE POINT DE VUE DE CORINNE BITAUD - L'été 2024 a été pluvieux. Pourtant, on entend dire de façon très récurrente que le changement climatique va vider nos nappes phréatiques, engendrer des sécheresses et pénaliser les cultures. Où est la sécheresse ? Corinne Bitaud est agronome et théologienne.
Vous avez raison, on n’a pas vraiment eu l’impression de manquer d’eau cet été. Ceci dit, cela dépend de là où nous avons passé nos vacances ! Personne n’a oublié le déluge de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, mais ceux d’entre nous qui ont passé la fin-août autour de Perpignan étaient dans une région classée en situation de crise, y compris pour l’eau potable.
Ensuite, nous avons peut-être oublié un peu vite la sécheresse sévère d’il y a deux ans. Or, ce que montre une étude publiée cet été par INRAE, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, c’est que si les changements climatiques risquent bien d’avoir un effet sur la disponibilité en eau en France, ces effets seront très variables d’une année sur l’autre ; et même, à l’intérieur d’une année donnée. Voilà pourquoi cet été humide n’est pas du tout incompatible avec le dérèglement climatique.
Les sécheresses reviendront, oui, cela fait partie des variations naturelles du climat. Mais cette étude montre qu’elles risquent de revenir bien plus souvent qu’auparavant, et probablement de façon plus intense. On savait déjà cela de manière globale à l’échelle de la planète, mais là les 40 chercheurs de ce projet ont appliqué les modèles climatiques du GIEC à l’échelle de chacun des 4000 bassins versants de la métropole, pour voir ce que cela allait pouvoir donner concrètement dans nos situations réelles et locales. C’est un énorme travail de prospective scientifique qui a permis de calculer de façon détaillée ce à quoi pourraient ressembler nos nappes et nos rivières d’ici la fin du siècle.
On entend dire « risquent de », « pourraient »… On n’en est donc pas certain ? Ce n’est pas vraiment de la science ? Si, c’est même de la très belle science ! Mais la prospective scientifique, ce n’est pas de la prédiction. Les chercheurs ne lisent pas l’avenir dans une boule de cristal. En particulier, ils tiennent compte du fait qu’aujourd’hui nous ne savons pas quelle va être réellement l’évolution du climat. Parce qu’elle dépend des gaz à effet de serre que nous allons continuer, ou pas, à émettre. Alors ils font des hypothèses. Et en réalité, ils font le même travail que les Prophètes de l’Ancien Testament ! Ils ne devinent pas l’avenir, mais ils observent le présent et ils réfléchissent aux chaînes de causalité ; du coup ils peuvent dire : « si nous continuons comme cela, voilà ce qui va se passer. Mais si nous changeons cela, alors voilà plutôt ce vers quoi nous allons. » Parce que l’avenir n’est jamais écrit d’avance : il dépend toujours de ce que nous décidons aujourd’hui. Et c’est pour cela que nous avons besoin des prospectivistes – et des Prophètes : pour décider en toute connaissance de cause.
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