LE POINT DE VUE D'ELISABETH WALBAUM - Aujourd’hui débute à Lourdes la rencontre d’automne de Mission et migrations, de la conférence des évêques. Vous qui êtes particulièrement investis sur la question des exilés, vous aviez envie de nous poser cette question : sommes-nous frères ou concurrents ?
Parlons migrations, même si ce n’est pas très tendance... ou justement et surtout si ce n’est pas très tendance ! La Fédération de l’entraide protestante est particulièrement investie dans l’accueil des exilés.
Les protestants français n’ont pas oublié qu’ils ont été exilés et étrangers après la Révocation de l’Édit de Nantes ! Dans les années 1700, ils sont 180 000 à avoir quitté le pays. 25% de la population protestante, 80% des pasteurs. Forcément, ça laisse des traces dans notre inconscient collectif … et ça suscite une certaine capacité à la compassion et un engagement pour la cause !
Heureusement, nous sommes capables de retenir ses leçons. Nous en sommes capables ! Nous pouvons nous adapter à un nouvel environnement, nous pouvons aussi modifier notre environnement pour faire une place à l’inattendu.
Or, pour un nombre croissant d’entre nous, celui qui n’est pas comme moi devient un ennemi : quelqu’un que je ressens comme menaçant, un adversaire, un concurrent.
Pourquoi donc est-ce que nos inquiétudes, nos malaises, nos manques de confiance en nous nous entraînent à considérer l’autre d’emblée comme une menace, alors que nous savons que nous sommes tous l’autre de quelqu’un ?
Si l’autre est un concurrent, qui vient profiter des allocations, ou commettre des infractions, voire des meurtres, alors on ne peut que se confronter à lui.
Et pourtant, chaque être humain boit et respire, aime et est aimé, pleure et rit. Comme moi.
D’ailleurs, nous dit Martine, de l’association Fraternité Réfugiés Chablais (74), membre de la Fédération de l’Entraide protestante, « quand on va à la rencontre des réfugiés, un déclic s’opère, les barrières tombent. »
A la FEP, on ne compte plus les histoires déchirantes et les récits de courages exemplaires. Une Ukrainienne, ingénieur dans son pays qui, ici, fait la plonge dans un restaurant. Une Tchéchène, pharmacienne, agent d’entretien.
Est-ce que la France pourrait fonctionner aujourd’hui sans toutes ces personnes d’origine étrangère dans nos hôpitaux, le bâtiment, la restauration, l’aide à domicile ?
Très souvent les migrants travaillent et payent des impôts. Leurs enfants vont à l’école, leurs parents s’investissent dans les associations de parents d’élèves….
Le risque existe bel et bien que nos peurs fassent de l’étranger un bouc émissaire. Certes nous devons regarder la question des migrations, de la régulation des flux, de la coordination européenne, de l’aide au développement aux pays d’où partent les migrants.
Mais méfions-nous de ceux qui exploitent ces peurs, parlent de submersion migratoire ou veulent construire des murs !
Avec un frère, on peut partager. C’est quasiment impossible avec un adversaire ou un concurrent. Avec un frère, on peut coopérer et construire une société. On peut aimer parce qu’on est rassuré.
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