On a souvent dit des poèmes de sainte Thérèse de Lisieux qu'ils étaient mièvres et critiqué son langage fleuri. C'est passer à côté de "son génie", réfute Pierre Éliane. Depuis plus années, le carme, prêtre et chanteur met en musique les poèmes de "la petite Thérèse", qu'il interprète. Pour RCF, il a sélectionné cinq poèmes dont il dévoile la densité spirituelle.
En 2023, on célèbre les 150 ans de la naissance de Thérèse de Lisieux et les 100 ans de sa béatification. Déclarée docteur de l’Église 100 après sa mort, la carmélite avait pourtant choisi "la petite voix". Elle n’a pas écrit de grand texte érudit mais ses lettres et ses poèmes sont d'une telle puissance qu'ils la hissent au niveau des plus grands. "Je suis convaincu de son génie", affirme le Père Pierre Éliane, carme, prêtre, musicien et chanteur. Pour lui, dans les textes de Thérèse, que l’on a souvent jugés mièvres - mais écrits avec "le vocabulaire de son temps" - "chaque mot est pensé" et "dit une idée précise". Depuis plusieurs années, le carme met en musique et interprète les poèmes de Thérèse de Lisieux. Une nouvelle version de ses "Thérèse songs" (ADF Bayard Musique) sera disponible dès le 5 juillet 2023. Pour RCF, il a sélectionné cinq poèmes.
C'est sans doute le poème le plus connu de Thérèse de Lisieux, qui avait 21 ans quand elle a écrit "Mon chant d'aujourd'hui", le 1er juin 1894. Comme la plupart de ses textes, celui-ci est une réponse à une commande : il lui a été demandé par sa sœur Marie-Louise Martin, en religion Sœur Marie du Sacré-Cœur. Dans ce texte, "c’est le cœur de Jésus que vise Thérèse", commente Pierre Éliane. "Le cœur à cœur avec Jésus, il n’y a que ça pour Thérèse."
"Ma vie n’est qu’un instant, une heure passagère…" Ce poème illustre "le réalisme spirituel" de sainte Thérèse, qui aborde ici le mystère du temps. La carmélite expérimente "la fragilité du temps" : dans cette pauvreté-là, elle perçoit combien "ce temps nous est donné pour aimer et pour faire aimer Dieu". L’amour de Dieu qui est pour tout de suite.
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C’est la vocation du carmel, depuis sainte Thérèse d’Avila, d’inciter chacun à entrer "dans cette demeure intérieure" et de découvrir la présence de Dieu "à l’intérieur de soi-même", décrit Pierre Éliane. "Dieu, c’est lui le cadeau, le don. On a du mal à le voir, à l’accueillir, tant que l’on ne rencontre pas Jésus, qui est le visage du Dieu invisible."
Écrit en 1895, "Vivre d'amour" est véritablement l’œuvre d’une grande mystique. "Dans cette chanson elle craque", commente Pierre Éliane, elle "meurt d’amour". Pourquoi donc l’amour est-il si souvent associé à la souffrance ? "L’amour fait souffrir, admet le carme, il y a un lien indéniable entre la souffrance et l’amour… L’amour accepte que le non amour existe, l’amour accepte qu’il soit refusé… L’amour laisse libre donc il souffre."
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"Mon ciel à moi !" est un texte empreint d’une certaine sensualité, mais "une sensualité prise dans l’Esprit saint, dans le don de soi-même", explique Pierre Éliane. Le ciel, c’est cet "espace, cette dimension spirituelle de l’homme tellement niée aujourd’hui du moins en Occident."
En 1896, quand elle écrit ce texte, sainte Thérèse a 23 ans "et déjà une grande maturité". Un an avant sa mort, la carmélite fait preuve "d’une personnalisation encore plus grande". Thérèse nous apprend qu’aimer Dieu ce n’est pas dissoudre son être dans un grand tout. Au contraire, Thérèse "commence à exister et pouvoir se montrer dans son génie propre".
Ce qui touche particulièrement Pierre Éliane dans ce texte, "Comment je veux aimer", c’est la grande simplicité de Thérèse, qui exprime ici comme "un aveu de faiblesse et en même temps de richesse". Pour la jeune carmélite, il ne s'agit pas de supporter sa petitesse et sa fragilité : il s'agit au contraire de les aimer. C'est un appel radical à s'abandonner à la grâce divine.
"Transformation", c’est un mot souvent employé par sainte Thérèse. En s’ouvrant à la grâce divine, "elle offre tout ce qu’elle est" et par ce fait, "elle devient qui elle est : une sainte, enfant de Dieu". Rappelons que Thérèse n’a vécu que 24 ans, mais elle a mené "une vie pleine, accomplie, épanouie".
Thérèse exprime le but de la vie : se donner totalement, infiniment, divinement... Seul Dieu peut nous donner de nous donner
Le poème "Une rose effeuillée" a été écrit en 1897, l'année de la mort de sainte Thérèse de Lisieux. La rose effeuillée, c'est l'image que la carmélite a trouvée pour dire le fond de sa pensée. Pour décrire "la vérité de l’Apocalypse" : "Le ciel est totalement ouvert... À travers cette petite poésie de rien de tout elle exprime le but de la vie, de se donner totalement, infiniment, divinement, seul Dieu peut nous donner de nous donner."
Sainte Thérèse est "cette rose effeuillée qui refuse qu’on la complimente" et "qui renvoie toujours à la source". Pierre Éliane y voit une "béatitude de la pauvreté spirituelle", "plus on en entre dans cette pauvreté plus on est riche".
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