Lors de la fête de Pessah, les juifs ont commémoré l'épisode biblique de la sortie d'Égypte. Ce qui attendait le peuple hébreu après sa libération, c'est une traversée du désert. Une nouvelle épreuve. Quelle interprétation peut-on faire de l'exode ? En quoi est-ce un moment fondateur dans l'histoire du judaïsme ?
Lors de la fête de Pessah, que les juifs ont célébrée en 2024, du 22 au 30 avril, on commémore l’épisode biblique de la libération du peuple hébreu et sa sortie d’Égypte. Une fois libérés du joug de l’esclavage, les Hébreux vont vivre une traversée du désert avant l’arrivée en Terre promise : c’est ce qu’on appelle l’exode. Quelle différence avec l’exil ? Pourquoi Dieu met-il son peuple à l’épreuve après l’avoir libéré ?
L’exode désigne la traversée du désert du peuple hébreu, après sa sortie d’Égypte. Un épisode célèbre rapporté notamment dans le Livre de l’Exode, que les Juifs nomment "Shemot", c’est-à-dire "Les Noms". L’historicité de l’exode ne fait pas consensus parmi les historiens. Mais lorsque l’on se penche sur les Écritures, ce qui importe ce n’est pas tant l’historicité que la façon dont on interprète les récits.
Si l’exode est un épisode connu de l’histoire du judaïsme, l’exil est une notion qui revient souvent. D’ailleurs, le Livre de l’Exode aurait été écrit en période d’exil à Babylone. "L’Exode reprend un exil, commente le rabbin Nissim Malka, de la grande synagogue de Lyon. Alors est-ce que l’Égypte était déjà un exil en soi ? L’exode serait, dans cette lecture-là, une sortie de l’exil. Le peuple juif se construit déjà, naît dans l’exil."
La liberté se résume pour le peuple hébreu à une traversée du désert. Comment comprendre cette façon dont Dieu semble mettre son peuple à l’épreuve dans la Bible ? "De nombreux sages à travers les siècles se sont posé cette question, répond le rabbin Nissim Malka, parce que le dernier exil en date, celui qui a commencé avec l’exode des Juifs de Judée après la destruction du Second Temple, et qui dure encore, a provoqué 2.000 ans de questions et de réponses qui ont pu être trouvées."
L’une des interprétations possibles que nous livre Nissim Malka est que "lorsque l’on sort d’Égypte, on commence à devenir un peuple qui tout de suite rencontre des ennemis". Et "tant que cette force existe, alors il y a son antagonisme qui existe automatiquement". Antagonisme incarné tantôt par Pharaon, Amalek, la Grèce, les Mèdes, les Perses, les Romains… Ainsi donc, le peuple hébreu "représente une force qui peut permettre de faire connaître le message d’un Dieu unique au sein de l’humanité".
Si l’exode est un moment fondateur dans l’histoire du judaïsme, il y a dans le Livre de l’Exode un foisonnement de notions devenues des mythes à portée universelle, auxquelles on fait référence aujourd’hui en dehors de toute référence religieuse. Par exemple, le passage de la Mer rouge, les dix commandements, les Tables de la loi, la terre promise…
Le Livre de la Genèse aussi est chargé de mythes et de références universelles - le jardin d'Éden, le fruit défendu, Adam et Ève... Mais dans la Genèse, "ce sont des individus que l’on questionne : Adam, Noé, Joseph…" Le premier livre de la Torah est "basé sur la construction de l’identité personnelle". Le Livre de l’Exode, lui, questionne la façon dont on existe "à l’intérieur d’un peuple", analyse Nissim Malka, et "vis-à-vis des autres peuples".
Le moment central de l'exode est celui où Dieu se révèle à Moïse, sur le mont Sinaï. L'épisode du buisson ardent et ce fameux verset 14 du chapitre 3 que l’on a traduit de différentes façons : "Je suis qui je suis" ou "Je suis qui je serai". D’après l’araméen, ajoute Nissim Malka, il est dit : "Je suis celui qui s’apprête à être." "C’est du futur mais du futur qui est sur le point de s’accomplir", commente le rabbin.
"Rabbi Nahman de Bratslav, fondateur d’un mouvement hassidique très connu, rapporte Nissim Malka, dira à ce propos que l’on existe que lorsqu’on est capable de se projeter dans celui qu’on est sur le point de devenir. Ça voudrait dire si le peuple d’Israël veut continuer à vivre, s’il a besoin d’exister, il faut qu’il puisse avoir confiance en celui qui s’apprête à être."
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