JavaScript is required

L'humour juif, un art en déclin ?

Un article rédigé par Odile Riffaud - RCF, le 14 mars 2024 - Modifié le 14 mars 2024
Connaître le judaïsmeL’humour juif, un art de l’autodérision (1/2)

 

L'humour juif, cet art si particulier de l'autodérision et de l'absurde, trouve ses racines dans le Talmud. C'est "une arme puissante face au malheur", estime Michel Wievorka. Si dans le contexte actuel particulièrement sombre, le cœur n'est plus à rire, le sociologue identifie un déclin de l'humour juif qu'il situe à la fin des années 90.

 

Sorti en 1973, le film "Les Aventures de Rabbi Jacob", témoigne de la "vitalité culturelle" qu'a connu l'humour juif entre les années 60 et 90 en France ©wikimédia commonsSorti en 1973, le film "Les Aventures de Rabbi Jacob", témoigne de la "vitalité culturelle" qu'a connu l'humour juif entre les années 60 et 90 en France ©wikimédia commons

 

Est-ce la fin de l’humour juif ? Depuis le 7 octobre 2023, et l'attaque du Hamas en Israël, le cœur n’est plus à rire "pour les Juifs et pas seulement", constate Michel Wievorka. Il publie “La dernière histoire juive - Âge d'or et déclin de l'humour juif" (éd. Denoël, 2023). Un thème sur lequel on ne l’attendait pas, lui qui a consacré de nombreux ouvrages à l’antisémitisme, au racisme et à la violence. Mais cela lui permet d’observer "la grande histoire" : comment a évolué le rapport à l’État d’Israël, mais aussi la perception de la Shoah… 

Après l'apogée, le déclin

Le "déclin de l’humour juif", Michel Wievorka le situe à la fin des années 90. Ce qu’il nomme un "espace de bienveillance" s’est refermé. Il avait permis une "vitalité culturelle" dans les années 60 et jusqu’à la fin des années 90. Qui ne connaît pas en France l’humour de Woody Allen ou le film "Les Aventures de Rabbi Jacob" ? L'humour juif, une forme d'humour si caractéristique, a alors touché un très large public.

Sans doute n’est-ce pas la fin de l’humour juif mais la période actuelle est "trop difficile pour susciter l’envie de rire et de rire avec d’autres". Et pourtant, c’est là un trésor de la culture et de la religion juive.

 

Un art de l’absurde et de l’autodérision

L’autodérision est l’une des caractéristiques de l’humour juif. "Je tiens beaucoup à ma montre, c’est mon grand-père qui me l’a vendue sur son lit de mort", peut-on lire dans le livre de Michel Wievorka. Il est ici directement fait allusion à l’un des grands thèmes de l’antisémitisme, le rapport des Juifs à l’argent.

Comment comprendre cette capacité à rire de soi ? "C’est exceptionnel", répond le sociologue. "Ça permet de prendre de la distance par rapport à soi, mais si c’est mal utilisé ou si c’est utilisé sans bienveillance alors ça tourne à l’antisémitisme. Donc c’est quelque chose effectivement d’un peu complexe."

 

L'humour juif se situe du côté positif de l’expérience juive mais il existe aussi parce qu’il y a la souffrance, le souvenir du passé

 

Des origines talmudiques

C’est après la convention citoyenne sur la fin de vie, où il était observateur, que Michel Wievorka a eu l’idée de travailler sur les histoires juives. Un contexte qui ne portait pas nécessairement à rire mais il s’est retrouvé un jour en compagnie de plusieurs responsables religieux. De quoi faire penser à ces histoires juives qui mettent en scène un rabbin, un prêtre, un imam… On y croise aussi souvent dans ces histoires des mères juives. Et même parfois Dieu lui-même ! 

Ce type d’histoires est en réalité "une invention récente", explique Michel Wievorka. Il est apparu aux États-Unis dans les années cinquante, et en France dans les années 60. Mais il s’enracine dans l’Europe du Moyen-Âge et l’apparition des ghettos. "Dès la Torah apparemment il y a de l’humour. Mais je crois surtout que l’humour juif qui m’a intéressé doit beaucoup à toute l’époque qui commence essentiellement au Moyen-Âge et ensuite, à l’époque où se fait le Talmud, et où les communautés juives se constituent…" Si l’humour juif est capable d’autodérision jusqu’à l’absurde, cela vient notamment de "la tradition talmudique qui aime bien couper les cheveux en quatre puis en huit puis en seize…"

 

→ À LIRE : Quelle relation à Dieu dans le judaïsme ?

 

"Une arme puissante face au malheur"

L’histoire du peuple juif est marquée par un génocide, des pogroms, des discriminations… Comment expliquer qu’au sein du judaïsme ait pu naître une forme d’humour incomparable et très importante dans la culture et même la religion juive ? Pour Michel Wievorka, l’humour juif est "une arme puissante face au malheur" - même si l’histoire du judaïsme, comme il le rappelle "ce n’est pas seulement des souffrances".

Pour lui, cet humour "se situe du côté positif de l’expérience juive mais il existe aussi parce qu’il y a la souffrance, le souvenir du passé". "On circule de la vie quotidienne au souvenir", et c’est de là que vient toute "l’épaisseur" de l’humour juif.

©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Connaître le judaïsme
©RCF
Cet article vous a plu ?
partager le lien ...

RCF vit grâce à vos dons

RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation  de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !

Faire un don
Qui sommes-nous ?

RCF est créée en 1982, à l'initiative de l'archevêque de Lyon, Monseigneur Decourtray, et du Père Emmanuel Payen. Dès l'origine, RCF porte l'ambition de diffuser un message d'espérance et de proposer au plus grand nombre une lecture chrétienne de la société et de l'actualité.

Forte de 600.000 auditeurs chaque jour, RCF compte désormais 64 radios locales et 270 fréquences en France et en Belgique. Ces 64 radios associatives reconnues d'intérêt général vivent essentiellement des dons de leurs auditeurs.

Information, culture, spiritualité, vie quotidienne : RCF propose un programme grand public, généraliste, de proximité.Le réseau RCF compte 300 salariés et 3.000 bénévoles.

RCF
toujours dans
ma poche !
Téléchargez l'app RCF
Google PlayApp Store
logo RCFv2.14.0 (21796db) - ©2024 RCF Radio. Tous droits réservés. Images non libres de droits.