Les crèches napolitaines ou les santons de Provence sont particulièrement répandus chez les catholiques. Dans la tradition de l'Église romaine, la crèche de Noël est un incontournable pour célébrer la naissance de Jésus. Installée au début de l'Avent dans les foyers et les églises, elle constitue une véritable catéchèse. Mais qu'en est-il chez les chrétiens orthodoxes ou protestants ?
La crèche de Noël serait née en Italie au XIIIe siècle, au temps de saint François d'Assise. D'abord spectacle vivant, elle est devenue une installation de statuettes. Cette tradition est aujourd'hui encore particulièrement populaire. L'Église catholique considère la crèche de Noël comme une véritable catéchèse. Il ne s’agit pas de vénérer la crèche mais de prier devant elle en famille durant la période de l'Avent. Qu'en est-il chez les chrétiens orthodoxes, pour qui la vénération des icônes tient une place importante ? Les héritiers de la Réforme protestante ont-ils accepté cette tradition qui ne vient pas de la Bible ?
Si donc les premières crèches vivantes datent du XIIIe siècle, la tradition des crèches de Noël existait en Europe avant la naissance du protestantisme. Mais les protestants l'ont-ils gardée ? Les artisans de la Réforme avaient pour principe "sola scriptura", c’est-à-dire "l’Écriture seule". Principe selon lequel il s’agit d’évacuer les traditions qui ne sont pas issues de la Bible. Or, la tradition de la crèche de Noël n’a pas d’origine biblique - elle relève de ce que l’on appelle la piété populaire.
"Personnellement, je n'en installe pas parce que ce n'est pas dans la culture de mon mari (protestant évangélique, né dans une famille protestante évangélique)", témoigne Anaïs Sorce. La jeune femme de confession protestante rappelle que « la figure de la "Sainte Famille" n'est pas très présente dans la sensibilité protestante et certains n'aiment pas le caractère "image / idoles" que les santons peuvent revêtir. »
Cependant, la crèche de Noël fait partie des "représentations que les protestants acceptent, selon le journal Réforme. Les protestants sont attachés aux conditions modestes de la naissance de Jésus." Représenter Jésus enfant emmailloté dans une mangeoire et entouré d’un âne et d’un bœuf c’est signifier jusqu’où Dieu a vécu la condition humaine. "Et c'est un bel outil pédagogique pour les enfants, ajoute Anaïs Sorce. Mais ça n'a pas la même force symbolique que chez les catholiques. On ne prie pas devant par exemple. C'est davantage une tradition culturelle que cultuelle ou théologique.
Les différentes Églises orthodoxes, dont la plupart ne fêtent d'ailleurs pas Noël le 25 décembre mais dans la nuit du 6 au 7 janvier - selon le calendrier julien, n’ont pas la tradition de la crèche de Noël. Ou si elles l’ont, il s'agit d'une tradition importée d’Europe.
La crèche n’est en tout cas pas l'objet d’une dévotion. Les petites figurines ont plutôt un rôle décoratif, précise-t-on au monastère orthodoxe russe d’Épinay-sous-Sénart. Ce qui est vénéré en revanche, ce sont les icônes. Le soir de Noël, les fidèles s’inclinent devant celle de la Nativité. Le diacre Pierre Zoran Petrel, de la paroisse Notre-Dame-Souveraine de Chaville, explique que la vénération de petites icônes remonte à l’époque où les premiers chrétiens étaient persécutés et où ils devaient vivre leur foi en cachette.
Il existe chez les chrétiens orthodoxes un rituel très ancien lié à Noël : celui de brûler des branches de chêne, de formuler des vœux et réciter des prières. Un reste de tradition païenne mélangé à des pratiques chrétiennes que l’on retrouve dans les Balkans, le nord de la Grèce ou encore le nord-est de la Cappadoce.
Ils ne sont pas orthodoxes ni catholiques romains. Les apostoliques arméniens, de l’Église autocéphale d’Arménie - le premier État chrétien du monde - fêtent Noël dans la nuit du 5 au 6 janvier. "Les Arméniens n’ont pas de tradition de crèche, c’est quelque chose de très européen", rappelle Pascal Maguesyan spécialiste des chrétiens d’Orient et chef de projet au sein de l’association Mesopotamia Héritage, lauréat du Prix Pèlerin du Patrimoine chrétien en danger 2024.
Les Églises orientales primitives ayant toutes créé leur branche catholique, dépendante de l’Église latine de Rome, la tradition de la crèche s’est relativement répandue en Orient. "Et donc l’idée des crèches est venue par l’intermédiaire des catholiques, précise Pascal Maguesyan. Toutes ces Églises catholiques orientales ont importé l’idée des crèches."
L’Église apostolique arménienne fait partie des Églises en charge de garder les lieux saints du christianisme, comme la basilique de la Nativité, en Cisjordanie. Construite dès le IVe siècle, elle est en quelque sorte "la première crèche de l’humanité", selon Pascal Maguesyan. Ainsi, on peut considérer d’une certaine façon que "cette tradition que l’on a beaucoup développée en Europe est une tradition qui nous vient de l’Orient". Et que, au fil des siècles, elle est "revenue en Orient par les missions catholiques et la création des Églises catholiques locales de toutes les obédiences".
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