Pourquoi trouve-t-on un croissant de lune sur certaines croix orthodoxes ?

Si le croissant de lune est aujourd’hui largement associé à l’islam, il orne pourtant certaines croix orthodoxes. Pourquoi cet élément, si étroitement lié à une autre confession, se retrouve-t-il au pied de la croix chrétienne ? Décryptage d’un symbole complexe aux significations multiples.

La croix orthodoxe et ses particularités

La croix orthodoxe diffère des croix latines par sa forme. Traditionnellement, elle comporte une barre verticale principale, deux barres horizontales (la supérieure pour l’inscription "INRI" et la moyenne pour les bras du Christ) et une barre transversale diagonale inférieure, qui symbolise la balance pesant les péchés humains.
Cette croix à plusieurs extrémités remonte à l’époque byzantine, au VIe siècle, et a été adoptée par la Russie au temps d’Ivan le Terrible, marquant la continuité spirituelle avec Byzance. Cependant, certaines variantes de la croix orthodoxe incluent un croissant de lune, un détail intriguant qui invite à une exploration historique et symbolique.

Le croissant de lune : origines et interprétations multiples

Le croissant de lune a des racines bien antérieures à l’islam. Utilisé dès le VIe siècle comme emblème de Constantinople, il aurait été repris par l’Empire ottoman après la conquête de la ville. Dans le contexte chrétien, ce croissant ne symbolise pas une confession particulière mais revêt plusieurs significations :

• Une ancre d’espérance : Selon l’épître de saint Paul, la croix représente une ancre, une espérance solide pour l’âme des croyants. Le croissant peut ainsi évoquer cette image de stabilité spirituelle.
• Un symbolisme cosmologique : Avant même l’avènement du christianisme, la combinaison d’une croix et d’un croissant renvoyait aux astres. La croix représentait le soleil et le croissant, la lune. Cette imagerie païenne a trouvé une résonance chrétienne, où le soleil évoque le Christ et la lune, la Mère de Dieu.
• La Vierge Marie : Dans la tradition chrétienne, la lune est souvent associée à la Vierge, comme en témoigne l’Apocalypse de saint Jean qui évoque une femme vêtue de soleil, la lune sous ses pieds et une couronne de douze étoiles sur sa tête. On retrouve ce croissant dans des icônes mariales, où il symbolise la pureté et le rôle de la Vierge dans l’histoire du salut.

Le croissant comme élément d’art sacré

Dans l’iconographie orthodoxe, le croissant ne se limite pas à la croix. On le retrouve dans les auréoles des saints ou sous la forme du tsata, un ornement semi-circulaire présent sur les icônes précieuses.
Le tsata se situe souvent au bas des représentations du Christ, de la Vierge Marie ou de saints comme saint Jean-Baptiste et saint Nicolas. Ce motif est considéré comme un signe de gloire et de vénération. De plus, le croissant figure dans d’autres objets liturgiques, comme les coupes eucharistiques et les fonts baptismaux, rappelant la Nativité et la forme du berceau de l’enfant Jésus.