Les catholiques et la fête, c’est un peu "le choc de la glace et du feu", admet Sylvain Detoc. Justement, le dominicain entreprend de décaper le catholicisme de son pessimisme doloriste. Il nous rappelle que le sens de la fête est ancré dans la foi chrétienne.
Entre Noël et le jour de l’an, on dit que c’est la "période des fêtes". Après le réveillon de Noël, celui de la Saint-Sylvestre : une parenthèse enchantée dans un monde violent ? Fait-on la fête pour fuir la réalité ? Fuit l'horreur des guerres, de la menace terroriste, des calamités naturelles, de la crise spirituelle ou de l’urgence climatique… "L’heure n’est pas à la fête. Hâtons-nous de la faire", écrit le dominicain Sylvain Detoc, dans son essai "Déjà brillent les lumières de la fête" (éd. Cerf, 2023).
Le 31 décembre au soir, nombreux sont ceux qui ont prévu de faire la fête. Champagne, musique et cotillons… Mais que fête-t-on ? Et si on faisait vraiment la fête ? "Quand on s’étourdit dans une festivité qui n’a pas de raison d’être profonde, profondément enracinée dans notre cœur, cette festivité ne dure pas, elle devient même déprimante, à vrai dire."
Le dominicain Sylvain Detoc nous engage à retrouver le sens de la fête - tout l’inverse des "festivités artificielles dont on sait comment elles s’achèvent…" La fête dont il parle est "un acte de foi" : "La foi nous rend capable de voir au-delà de l’horizon de notre seule vie terrestre, très terre-à-terre… On est soulevés du dedans par quelque chose de plus grand qui s’appelle la foi."
Le monde à venir, celui auquel nous sommes invités, et qui est déjà là à l’œuvre dans nos vies, c’est un monde festif
Les catholiques et la fête, c’est un peu "le choc de la glace et du feu", admet Sylvain Detoc. Les fidèles eux-mêmes ont parfois le sentiment d'assister à des messes tristes ou ennuyeuses. Avec son nouvel essai, le dominicain poursuit son entreprise de décaper le catholicisme de son pessimisme doloriste. Déjà en 2022, il s’adressait aux "cathos découragés" (dans "La gloire des bons à rien"). "L’idée, c’était de continuer à encourager les fidèles à se laisser soulever, à se laisser porter, par cette foi vive qui nous amène à découvrir que, effectivement, le monde à venir, celui auquel nous sommes invités, et qui est déjà là à l’œuvre dans nos vies, c’est un monde festif."
S’il ose une telle entreprise, c’est que Sylvain Detoc fait en quelque sorte un grand pas en arrière. Il fréquente assidûment les textes des Pères de l’Église, ces premiers témoins de la joie de la Résurrection. Enseignant à l’Institut catholique de Toulouse, spécialiste de saint Irénée de Lyon, Sylvain Detoc est un fin connaisseur de cette génération de croyants qui suit celle des apôtres, dès la fin du Ier siècle.
Cela peut sembler paradoxal mais c’est dans le récit de la Passion selon saint Luc que Sylvain Detoc a puisé le titre de son livre, "Déjà brillent les lumières de la fête". "C’était le jour de la Préparation de la fête, et déjà brillaient les lumières du sabbat." (Lc 23, 54). Juste après la mort de Jésus, assez mystérieusement, saint Luc écrit : "déjà brillaient les lumières du sabbat". "J’ai été vraiment très frappé, confie le dominicain, par ce contraste extraordinaire entre ce qu’humainement ces femmes viennent de vivre… c’est peut-être l’après-midi la journée la plus horrible de toute leur vie, elles ont perdu ce Jésus qu’elles aimaient tant... et voilà que le commandement de Dieu, c’est d’entrer dans la fête qui commence."
Difficile en effet de dire à une personne en deuil d’entrer dans la fête... Ce pourquoi Sylvain Detoc nous propose une réflexion "sur ce contraste entre les événements de nos vies qui ne nous invitent pas à faire la fête et un acte de foi en l’œuvre que Dieu accomplit et qui, déjà au revers de ce monde visible, déploie une festivité extraordinaire !"
Finalement, ce que Sylvain Detoc nous rappelle ou nous apprend, c'est le regard que les croyants posent sur le monde. Un regard porté par la foi en celui qui, après sa mort, est descendu aux enfers et est venu "libérer Adam et Ève… Ce que le théologien orthodoxe Olivier Clément présentait comme un pas de danse. Comme si le Ressuscité faisait un magnifique pas de danse. La danse divine qu’est Dieu en lui-même."
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