Il y a un an jour pour jour, la publication du rapport Sauvé provoquait une onde de choc dans le monde catholique en révélant que 330.000 jeunes ont été victimes de pédophilie par des prêtres ou des laïcs en mission d'Église, depuis les années 50. Un an après, où en est l’Église ? Les victimes ont-elles reçu réparation ? Quelle place l’argent occupe-t-il dans la réparation de ce préjudice ? Et que reste-t-il encore à faire ?
C’est avec émotion que Véronique Garnier et Patrick Goujon, tous deux victimes d’abus sexuels pendant leur jeunesse, se sont replongés dans leurs souvenirs, un an en arrière. "Ce 5 octobre, ça a été un moment très émouvant, très fort. On a beaucoup pleuré", raconte Véronique Garnier, auteure du livre "La vérité nous rendra libres. Paroles de femmes dans la crise des abus" (éd. Mediaspaul). Un an après, la honte qui l’habitait a un peu disparu, confie-t-elle : "Maintenant, je peux prendre en main plus que jamais ce chemin de résilience que j’ai déjà entamé."
Patrick Goujon lui-aussi reconnaît avoir passé quelques étapes. "Il y a eu plusieurs phases. On est passé de la stupéfaction à la honte, à la reconnaissance. Mais ce temps n’est pas le même pour les victimes ou pour l’institution", prévient le jésuite et théologien, auteur de l’ouvrage "Prière de ne pas abuser" (éd. Seuil - Prix de la Liberté intérieure 2022). Si une forme de soulagement est apparue chez eux, il reste encore beaucoup de chemin à faire. "Le principal travail qui attend l’Église dans les années qui viennent, jusqu’au fin fond des paroisses, c’est de comprendre ce qu’il s’est passé pour qu’on retienne les erreurs et que ça ne se renouvelle pas", affirme Véronique Garnier. De son côté, Patrick Goujon alerte : « On est à un moment risqué... parce que maintenant que l’on a parlé, que les évêques ont demandé pardon et que certains ont reçu une réparation financière, d’aucuns voudraient dire ʺl’affaire est régléeʺ. » Et de poursuivre : "On pense que ce qui a été fait suffit, ou va suffire, alors qu’on est face à l’irréversible et que la blessure de la victime s’exprime encore au présent... Il ne faut ni minimiser ce qui est fait, ni penser qu’on a réglé la question. De toute façon, ce sont des questions qui ne se règlent pas", souffle-t-il.
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Du temps, il en faudra beaucoup – mais pas trop - pour réparer les victimes. "Il doit y avoir un avant et un après l'Inirr", lance Marie Derain de Vaucresson, présidente de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation, créée à la suite de la Ciase. "Il faut qu’il y ait un début et une fin, il faut que ce soit suffisamment long pour apaiser les victimes, mais pas trop autrement cela voudra dire que l’Inirr a échoué à traiter ces questions."
Pour l’heure, seules 45 personnes ont reçu une indemnisation sur les 1500 victimes qui se sont manifestées auprès de l’Inirr, depuis sept mois. Un processus très long dont s’est excusé l’instance dans une lettre envoyée aux victimes il y a quelques semaines. Une honnêteté saluée par Patrick Goujon, "car l’attente peut raviver le traumatisme".
Si ces réparations vont jusqu'à 60.000 euros, l’argent ne pourra pas tout effacer, selon Véronique Garnier et Patrick Goujon. « Tout peut être lieu d’ambiguïté, explique le jésuite, l’argent peut devenir la prise en compte de la réalité matérielle et physique des dégâts provoqués, et donc il peut aider la victime à se relever. Mais il peut aussi la faire retomber dans son statut d’objet en disant ʺvoilà je vous achète." Une seule chose ne suffira jamais ». Marie Derain de Vaucresson fait le même constat : "La réparation financière n’est jamais une réparation globale. On est dans une démarche de réparation bien plus vaste... La question de l’argent, c’est d’ailleurs quelque chose de très personnel pour chacune des victimes." Autant de besoins et d’attentes différentes à combler qui demandent beaucoup de travail à l’Inirr et qui prendront certainement plusieurs années.
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